Repères de vie

Repères de Vie : 10 Vertus, un nouvel art de vivre pour notre temps

Voici ci-dessous 10 fiches de réflexion, vulgarisation de l’enseignement moral de l’Eglise, qui sont un appel à vivre « une année vertueuse », mieux, une vie vertueuse, vécue selon l’Evangile en s’inspirant de la vie des saints. «  Puisque l’Esprit nous fait vivre, marchons sous la conduite de l’Esprit » Ga 5, 25 

Le but : présenter des attitudes fondamentales, des qualités de l’âme appelées, en éthique ou morale, vertus (virtus en latin : force) afin d’entrer plus avant dans un nouvel art de vivre, pour notre temps. Les vertus choisies, parmi une innombrables d’autres possibles, sont
la bienveillance et la sobriété, recommandées par le synode de notre diocèse 2018-2021, et remis en valeur par des moralistes contemporains ;
les 3 vertus théologales, la foi, l’espérance, la charité, et
les 4 vertus morales cardinales, la prudence, la justice, la tempérance, la force, retenues par la grande tradition morale catholique bimillénaire ;
l’humour qui fait penser à l’humilité et à l’amour, comme pour nous inviter à ne pas trop se prendre au sérieux, comme pour ne pas oublier les autres vertus, comme pour vérifier que chaque vertu conduit bien à la joie.

Les richesses et les limites de cette initiative :

Une richesse : cette initiative, enracinée dans l’enseignement moral de l’Eglise, peut donner le goût d’aller plus loin pour approfondir et vivre selon l’Esprit.

Les limites : cette initiative effleure la vie morale et spirituelle. Il faudrait parler des conditions générales qui font la beauté de tout acte humain. Il faudrait évoquer plein d’autres vertus. Il faudrait insister sur les 7 dons du Saint-Esprit : sagesse, intelligence, science, conseil, force, crainte, piété. Il faudrait mettre en avant le(s) fruits de l’Esprit-Saint : « Amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur et maîtrise de soi » Ga 5, 22-23. Il faudrait montrer les spécificités et les liens entre les vertus, les dons et les fruits. « Tout est lié ».

Père Pierre-Marie Perdrix

1. La Bienveillance

Point de départ avec l’étymologie :

Partons du mot bienveillance. En latin, bene volens : qui veut le bien. Deux mots immenses en éthique : le vouloir et le bien, le vouloir associé à la liberté de choisir un vrai bien par lequel l’homme peut s’accomplir. Sans oublier que la bienveillance digne de ce nom (vouloir le bien) est inséparable de la réalisation de ce bien, la bienfaisance (en latin, bene facere, faire le bien), à l’image de Dieu qui, quand il crée le monde, il le bénit (en latin, bene dicere, dire le bien) et le réalise : « Dieu dit….Dieu fit » Gn 1.

Approfondir : Les auteurs, les théologiens, les spirituels multiplient les approches :

 « Disposition d’esprit favorable envers quelqu’un » Jean CARON, « Bonté affectueuse » Don BOSCO, « Approcher l’autre avec attention et respect » Etienne GRIEU, « Sentiment par lequel on veut du bien à quelqu’un » Petit Robert. Oui, mais de quel bien parlons-nous ? Le bien que je veux pour l’autre, au risque de le lui imposer (attention à la relation d’emprise) ou le bien authentique choisi par l’autre ? Comment est-ce que je rentre dans la relation avec l’autre pour travailler à son vrai bien ? Le bienveillant n’est pas au-dessus de l’autre. Albert Camus dans « Le premier homme » a des pages magnifiques sur l’instituteur et l’élève qui créent de l’égalité dans la différence. « C’est le partage du plaisir à être dans l’échange avec l’autre qui va faire de chacun des égaux », commente  Nicole JAMMET.  

La bienveillance avec soi-même ne va pas de soi. Comment s’estimer quand on a grandi, sous des regards malveillants, défiants, sans encouragement ? La bienveillance sociale ne va pas de soi quand le jeu des intérêts politiques ou économiques l’emporte sur le bien des personnes ? La bienveillance avec Dieu ne va pas de soi, quand on voit le péché partout, quand on oublie, dès les 1e pages de la Bible, la bienveillance originelle : « Et Dieu vit que cela était bon », et dans les dernières pages, le rappel du dessein du Dieu de l’Alliance : nous sommes créés par amour, nous sommes reliés les uns aux autres ainsi qu’avec tout l’univers, nous sommes appelés à la sainteté, nous sommes bénis de multiples manières, nous sommes comblés, nous sommes destinés à la vie éternelle, nous sommes justifiés en Jésus-Christ, Cf Eph 1. Sylvie Germain le dit magnifiquement dans une formule : « La bienveillance  considère l’autre dans sa dimension de visage ». A commencer par l’expérience de l’enfant qui grandit dans l’atmosphère de la bienveillance familiale inconditionnelle.

Jésus : Jésus a incarné la bienveillance toujours et partout, parfois de façon énergique pour dénoncer le mal, toujours de façon miséricordieuse : « Que celui qui est sans péché lui jette la 1e pierre » Jn 8, 7 ou « Jésus leva les yeux et lui dit : « Zachée, descends vite : aujourd’hui il faut que j’aille demeurer dans ta maison » Lc 19, 5 ou « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » Lc 18, 41 ou encore « Là où Jésus passait, il faisait le bien et guérissait » Ac 10, 38

Une magnifique figure de la bienveillance : Nelson Mandela

Nelson Mandela, qui a connu 26 années de prison (1964-1990), avant de devenir président de l’Afrique du sud, en 1994, a écrit dans « Un long chemin vers la liberté » : « J’ai toujours su qu’au plus profond du cœur de l’homme résidaient la miséricorde et la générosité. Les gens doivent apprendre à haïr (pour haïr). On peut leur enseigner à aimer car l’amour naît plus naturellement dans le cœur que son contraire. Même aux pires moments de la prison, quand mes camarades et moi étions à bout, j’ai toujours aperçu une lueur d’humanité chez un de mes gardiens pendant une seconde peut-être mais cela suffisait à me rassurer et à me permettre de continuer ».

Exercices pratiques : cf Lytta BASSET (théologienne protestante)

1 . Prendre la mesure de la bienveillance ou de la malveillance dont on a été l’objet, le regard de l’autre nous façonnant, dès la plus tendre enfance.

2 . Se dépolluer du regard méfiant porté sur soi et rendre grâce pour la bienveillance dont on a été l’objet.

3 . Se laisser regarder avec amour par Dieu et par les autres, s’imprégner de la Bible et de la vie des saints. Laisser son cœur, puis son regard, puis ses lèvres, devenir de plus en plus bienveillants.

4 . Poser, multiplier sur son conjoint, ses proches, ses collaborateurs au travail, des regards, des pensées, des gestes bienveillants, avant même de remarquer un défaut.

5 . Bénir le Seigneur avant même de le supplier. C’est la dynamique du Notre Père.

Point d’arrivée avec un appel : Et si nous osions la bienveillance, sans naïveté, avec prudence, comme attitude de base ! Et si nous étions plus prompts à cultiver les vertus qu’à dénoncer le mal pour incarner une Eglise de la bénédiction et de la louange plus fortes que le mal ?

 

Bibliographie :

Lytta BASSET, Oser la bienveillance, ALBIN MICHEL, 2015

Albert CAMUS, Le premier homme, Gallimard, 1994

Revue Christus, Vouloir la bienveillance, n°249, janvier 2016

Pascal IDE en collaboration avec Luc ADRIAN, Les 7 péchés capitaux, MAME-EDIFA, 2002

Nelson MANDELA, Un long chemin vers la liberté, Fayard poche

2. La Sobriété

La vertu de sobriété revient en force dans nos paroles et dans nos pratiques, parce que nous sommes confrontés aux excès de la consommation et de la mondialisation : épuisement de ressources (eau potable….), déforestation, pollution, réchauffement climatique, perte de la biodiversité, détérioration de la qualité de la vie humaine, dégradation sociale….Les conséquences de ces excès sont des inégalités planétaires : par exemple, 821 millions d’humains souffrent de la faim, 844 millions n’ont pas accès à l’eau potable…Cf Laudato Si.

Pierre Rahbi (né en Algérie en 1938, essayiste, romancier, agriculteur, conférencier et écologiste français, fondateur du mouvement Colibris et figure représentative du mouvement politique et scientifique de l’agroécologie en France) invente le terme de « sobriété heureuse » : « Elle est un concept qui surgit face au constat de la convergence des crises, dans une réflexion sur nos modes de vie, et pour faire en sorte de satisfaire nos besoins en faisant le choix de la simplicité et d’un « art de vivre affranchi de sa boulimie consommatrice » (Patrick Viveret), tout en conciliant des exigences de justice sociale et de réduction de notre impact en termes énergétique et environnemental, tout en n’écartant pas la recherche d’un confort de vie, qu’il soit matériel ou spirituel.

Approfondir : la sobriété n’est pas un but, mais un moyen de mieux vivre, de mieux être et non pas d’avoir indéfiniment plus pour ceux qui ont déjà suffisamment de biens. On ne vit pas pour être sobre, mais on cultive la sobriété, voire la frugalité, pour savourer la vie. « La question de la sobriété, c’est la question de la sortie de la démesure » (Laurent Landete), c’est la question de la tempérance entre les extrêmes en vue de retrouver l’équilibre (la tempérance étant une des quatre vertus cardinales des moralistes), c’est la question, en définitive, de la juste mesure. St Thomas d’Aquin écrivait, « la vertu morale se trouve dans le juste milieu », entre péchés par excès ou par défaut. La mesure appartient à toutes les vertus morales dignes de ce nom. Mais il appartient à la sobriété de tempérer les passions comme l’avidité dans la possession et l’usage de certains biens, passions qui nuisent au vrai bien de l’homme et, ensuite, de mesurer les moyens pour parvenir à des biens à la mesure de l’homme. La vraie mesure de l’homme est en définitive l’homme lui-même, la raison humaine

Trouver la juste mesure : Les vertus morales sont toujours mesurées. Par contre, les vertus théologales, suscitées en nous par Dieu et qui portent sur Dieu sont illimitées. On n’aimera jamais assez Dieu et les hommes à la manière de Jésus, on n’espérera jamais assez en la grâce de Dieu, on ne croira jamais assez. Viser la perfection de la foi, de l’espérance et de l’amour constitue la mesure sans mesure des vertus théologales. « La mesure de l’amour est d’aimer sans mesure » St Bernard. Les mesures de la sobriété sont les limites et les capacités de l’homme et de la planète. Quand les vertus morales sont mesurées, les vertus théologales sont infinies. Créés à l’image de Dieu, corps, âme, esprit, guidés par la raison, nous pouvons grâce aux vertus morales choisir sans cesse les biens humains qui nous correspondent et grâce aux vertus théologales, que la grâce de Dieu infuse en nous, aspirer aux plus grands biens : Dieu et son royaume.

La sobriété remise en valeur par notre temps et élargie à « l’écologie intégrale » est emblématique du sursaut moral attendu : « Dans notre constellation de vertus, il s’agit de la vertu centrale ; elle se déploie en éventail pour former un réseau dense de synonymes : mesuré équivaut à ‘’ équilibré, pondéré, prudent, réfléchi, contenu, discret, sobre, tempéré, réglé, réservé, modéré, prévoyant, sensé, judicieux, sage, mûr, raisonnable, stable, posé, détendu, paisible, équitable, régulier etc…’’ » Carlo OSSALA 

 

Des exemples de sobriété :

Manger, boire avec excès, nuit à la santé. Faire un extra de temps en temps, dans un contexte festif, et revenir de façon habituelle à l’usage de nourriture et de boisson ne remet pas en cause la manière sobre habituelle de se nourrir et de boire.

Gaspiller l’eau nuit à la planète. User de l’eau, avec modération, en pensant aux autres et à la planète pour boire, se laver, arroser, produire dans l’industrie, constitue autant de manière de vivre la sobriété pour le bien-être du plus grand nombre.

 

Des appels réitérés de l’Ecriture :

« Mais toi, en toute chose, garde la mesure (Autre traduction : « sois sobre »), supporte la souffrance, fais ton travail d’évangélisateur, accomplis jusqu’au bout ton ministère » 2 Tm 4,5

« Alors, ne restons pas endormis comme les autres, mais soyons vigilants et restons sobres. Les gens qui dorment, c’est la nuit qu’ils dorment ; ceux qui s’enivrent, c’est la nuit qu’ils sont ivres, mais nous qui sommes du jour, restons sobres ; mettons la cuirasse de la foi et de l’amour et le casque de l’espérance du salut » 1 Thes 5, 6-8

« Le responsable doit être irréprochable, époux d’une seule femme, un homme sobre, raisonnable, équilibré, accueillant, capable d’enseigner, ni buveur ni brutal mais bienveillant, ni querelleur, ni cupide… Les femmes, elles aussi, doivent être dignes de respect, ne pas être médisantes, mais sobres et fidèles en tout » 1 Tm 3, 2. 11 

« Que les hommes âgés soient sobres, dignes de respect, pondérés, et solides dans la foi, la charité et la persévérance » Ti 2, 2

« Soyez sobres, veillez : votre adversaire, le diable, comme un lion rugissant, rôde, cherchant qui dévorer ». 1 Pi 5, 8

 

Exercices pratiques : Cf Tugdual DERVILLE, 67 recettes de bonheur, Paris, Editions Emmanuel, 2018. 67 propositions, comme autant d’exercice de sobriété, portant par exemple, sur l’usage de son portable (11), sur réparer (24), ralentir (34), nettoyer la planète (63)…

 

Bibliographie :

Et maintenant ? 7 vertus pour traverser la crise, Paris, Editions Emmanuel, 2021

Tugdual DERVILLE, 67 recettes de bonheur, Paris, Editions Emmanuel, 2018

Pape FRANCOIS, Encyclique Laudato Si, Paris, Editions Emmanuel, 2015

Pierre RAHBI, Vers la sobriété heureuse, 2010

Carlo OSSOLA, Les vertus communes, Paris, Les belles lettres, 2019

3. La Foi

C’est un bonheur, une béatitude :

« Heureux ceux qui croient sans avoir vu » Jn 20, 29. La foi est une béatitude faite à tous grâce à Thomas, l’incrédule, celui que nous honorons désormais comme saint Thomas, car il est passé du doute surmonté, à la foi qui réjouit.

 » Bienheureuse celle qui a cru en l’accomplissement de ce qui lui a été dit de la part du Seigneur  » (Lc 1, 45) reconnait Elisabeth devant sa cousine Marie. « Désormais, toutes les générations me diront bienheureuse » Lc 1, 48

C’est un émerveillement de Jésus :

 « Entendant cela, Jésus fut en admiration devant lui. Il se retourna et dit à la foule qui le suivait : « Je vous le déclare, même en Israël, je n’ai pas trouvé une telle foi ! » Lc 7, 9. Il s’agit de l’épisode du centurion romain dont un de ses esclaves était malade. Il envoie des notables juifs pour demander à Jésus de sauver son esclave. Ceux-ci supplient Jésus parce que ce centurion aime le peuple juif. Il a même fait construire la synagogue de Capharnaüm. Le centurion envoie des amis demander à Jésus de ne pas se déplacer : «   Seigneur, ne prends pas cette peine, car je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit…. Mais dis une parole, et que mon serviteur soit guéri ! ». Jésus admire la foi de ce païen (non juif) : une confiance en Jésus qui lui fait demander pour un autre, un esclave ; une confiance qui lui fait passer par des autres : des notables juifs et des amis ; une confiance qui lui fait accéder au cœur de Jésus, au-delà de la proximité immédiate. « Rien n’est impossible à Dieu » Lc 1, 37. Cette foi fut reçue par l’Eglise comme tellement belle que les mots inspirants du centurion sont repris par chaque chrétien avant de communier au grand mystère de la foi : « Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dis seulement une parole et je serai guéri »

C’est une relation transformante de tout l’être avec Dieu :

« La foi est d’abord une adhésion personnelle de l’homme à Dieu ; elle est en même temps, et inséparablement, l’assentiment libre à toute la vérité que Dieu a révélé » Catéchisme de l’Eglise catholique n°150.   » Par la foi, Abraham obéit à l’appel de partir vers un pays qu’il devait recevoir en héritage, et il partit ne sachant où il allait  » (He 11, 8 ; cf. Gn 12, 1-4). Abraham s’est engagé de tout son corps, de toute son âme, de tout son esprit, de tout son cœur, avec toute sa tribu, dans la réponse à l’appel de Dieu. La foi ne touche pas seulement l’intelligence. Elle déborde sur l’être tout entier. Pourquoi cette habitude de différencier croyant et pratiquant ? Un croyant, digne de ce nom, se livre tout entier à l’amour de Dieu qui se réalise dans l’amour fraternel. Abraham est devenu le Père des croyants, pratiquant l’amour de Dieu et des frères.

C’est une recherche : Si Saint Anselme dit  » La foi cherche à comprendre « , St Augustin poursuit  » je crois pour comprendre et je comprends pour mieux croire « . La foi est une recherche permanente. Je cherche, je trouve ; je trouve et je continue à chercher car Dieu et son dessein bienveillant pour l’humanité seront toujours plus grands que toutes nos découvertes réelles mais partielles, temporaires, progressantes, fluctuantes….

C’est un combat : faire confiance, avoir confiance en soi, se faire confiance mutuellement, faire confiance aux autres, avoir confiance en l’avenir : que de combats humains ! St Jean-Paul II aimait à dire que « les 2 ailes de l’esprit sont la raison et la foi ». Faire confiance à Dieu, envers et contre tout, faire confiance à l’Eglise, quelque soient les circonstances : que de combats humains qui nécessitent le secours de la grâce de Dieu et les dons de l’Esprit Saint (sagesse, intelligence, science, conseil, force, crainte, piété filiale) et les fruits de l’Esprit Saint (« Le fruit de l’Esprit, c’est la charité, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bénignité, la longanimité, la mansuétude, la foi, la modestie, la continence et la chasteté » Galates 5, 22) . C‘est le combat quotidien des chrétiens confrontés à l’incroyance, aux doutes, à l’indifférence, au relativisme. Aucune époque n’a été facile, toutes ont relevé leurs défis, toutes ont leurs richesses, la nôtre connait, dans beaucoup de pays, la liberté religieuse, la liberté de voyager (pèlerinages, chemin de St Jacques de Compostelle…), des moyens nouveaux de connaissances, de communications et de témoignages, des institutions chrétiennes qui ont fait leurs preuves, un patrimoine exceptionnel….

C’est une aventure communautaire :   Impossible de dire « Je crois » sans sous-tendre « Nous croyons » ; Impossible de dire « Nous croyons » sans sous-tendre « Je crois ». Croire est une œuvre profondément personnelle et communautaire qui se réalise dans la charité débordante, animée de l’espérance : « J’aurais beau être prophète, avoir toute la science des mystères et toute la connaissance de Dieu, j’aurais beau avoir toute la foi jusqu’à transporter les montagnes, s’il me manque l’amour, je ne suis rien…. L’amour prend patience ; l’amour rend service » 1 Co 13, 2.4 

 

Des exemples de croyants : ils sont innombrables à commencer par les saints, « les saints de la porte d’à-côté », comme aime à le dire le pape François. Dieu seul sait la flamme qui brûle le cœur de chaque homme, la braise à rallumer d’un souffle…. L’Esprit souffle sur les braises.

Exercices pratiques, « en temps d’incertitude » :

Chaque jour, poser 4 actes : un acte judicieux d’approfondissement de sa foi (conférence, lecture, partage de réflexion…), un acte profond de prière, un acte bon de service pour les autres, un acte courageux de témoignage. Un croyant digne de ce nom, met ses pas à la suite de Jésus, à la manière de Moïse, de la Vierge Marie et de tous les saints ou encore des sanctifiés en chemin. Impossible d’être croyant non pratiquant ! La foi se pratique !

Bibliographie : Bible. Catéchisme de l’Eglise catholique

4. L'Espérance

L’espérance quotidienne :

Force est de constater que l’espérance est sur toutes nos lèvres : « J’espère qu’il fera beau aujourd’hui », « j’espère guérir », « j’espère que ce projet aboutira », « j’espère que la pandémie va s’arrêter », « j’espère la vie éternelle ». Mais ces espérances sont bien différentes. La langue française, d’habitude si précise, ne distingue pas avec 2 verbes différents ce qui ressort des espoirs ou des espérances. J’espère aussi bien une bonne nuit que la vie éternelle !  « Nous avons besoin des espérances – des plus petites ou des plus grandes – qui, au jour le jour, nous maintiennent en chemin. Mais sans la grande espérance, qui doit dépasser tout le reste, elles ne suffisent pas. Cette grande espérance ne peut être que Dieu seul, qui embrasse l’univers et qui peut nous proposer et nous donner ce que, seuls, nous ne pouvons atteindre » Benoît XVI, encyclique sur l’espérance, 2007, n°31. L’espérance chrétienne est ce plus qui peut habiter tous nos espoirs ou espérances. Elle offre un horizon, un sens. Tel espoir peut être déçu, mais l’espérance offerte avec la grâce de Dieu demeure. « La foi, ça ne m’étonne pas. La charité ça ne m’étonne pas. Mais l’espérance, voilà ce qui m’étonne…. La foi que j’aime le mieux, c’est l’espérance, dit Dieu » Le porche du mystère de la 2e vertu, Charles Péguy.

L’espérance en chemin :

Impossible de vivre sans espoir, sans espérance. C’est l’expérience du peuple de Dieu, depuis Abraham, le Père des croyants, le Père de ceux qui espèrent : « Espérant contre toute espérance, il crut et il devint le Père d’une multitude de peuples » Rm 4, 18. C’est l’expérience de l’exode avec Moïse, et de l’exil avec les prophètes Isaïe, Ezéchiel….C’est l’expérience de Jésus qui annonce les béatitudes au présent et au futur, le futur du ciel comme terre promise : « Heureux les doux car ils recevront la terre en héritage » ; le présent du royaume déjà-là : « Heureux les pauvres de cœur car le Royaume des cieux est à eux ». L’espérance ne nous projette pas seulement dans l’avenir, mais elle nous procure déjà un nouvel art de vivre.

Le symbole scripturaire de l’espérance est l’ancre, l’ancre des bateaux reliés aux fonds marins pour apporter un peu de stabilité. L’ancre de l’âme est jetée vers le ciel : « Cette espérance, nous la tenons comme une ancre sûre et solide pour l’âme ; elle entre au-delà du rideau, dans le sanctuaire où Jésus est entré pour nous en précurseur » Heb 6, 19-20. La mémoire des chrétiens est tournée vers l’avenir !   

L’espérance difficile :

Peut-on espérer quand tout va mal dans notre vie ! Peut-on espérer au XXIe s, quand nous repensons aux désastres du XXe s ! Peut-on encore espérer quand les peurs s’accumulent : écologiques, sociales, sanitaires, économiques…. Notre espérance est contrariée. Certains peuvent franchir le seuil de la désespérance et devenir indifférents ou sombrer dans la violence. Paul Valadier, SJ, nous prévient : l’espérance n’est pas la vertu qui jaillit quand tout est fichu. « Là où tout est bouché, l’espérance n’a aucune place. Nous espérons que parce que nous trouvons dans l’existence effective des traces concrètes d’espoir…comme Jésus fait pressentir la résurrection en guérissant, en soulageant, en relevant les gens accablés, car ce monde n’est pas sans issue ». Tant d’espoirs sont vécus dans la société et dans l’Eglise.

« L’espérance vive » : 

L’espérance n’est possible qu’avec le secours de la grâce de Dieu, à demander sans cesse : « Mon Dieu, j’espère avec une ferme confiance que vous me donnerez, par les mérites de Notre-Seigneur Jésus-Christ, votre grâce en ce monde et le bonheur éternel dans l’autre, parce que vous l’avez promis et que vous êtes toujours fidèles dans Vos promesses » (Acte d’espérance). Les tentations contre l’espérance sont fortes de nos jours. L’espérance est la vertu de ceux qui tombent et qui se relèvent sans cesse, de ceux qui veulent tenir debout dans l’existence, de ceux qui agissent et traversent les difficultés de l’existence, de ceux qui affrontent le réel et assument les incertitudes du temps présent, de ceux qui croient que la Vie l’emportera sur la mort, en Jésus :

« Espère, ô mon âme, espère. Tu ignores le jour et l’heure. Veille soigneusement, tout passe avec rapidité, quoique ton impatience rende douteux ce qui est certain, et long un temps bien court. Songe que plus tu combattras, plus tu prouveras l’amour que tu portes à ton Dieu, et plus tu te réjouiras un jour avec ton Bien-Aimé, dans un bonheur et un ravissement qui ne pourront jamais finir » Ste Thérèse de Jésus.

Exercices pratiques :

. Cultiver une attitude positive. Par exemple, lire les journaux ou écouter les nouvelles, sans se laisser déborder par les mauvaises ou relire chacune de nos journées, en discernant un germe d’espérance ou s’engager dans des projets humains en les habitant de l’espérance.

. S’habituer à professer sa foi le dimanche à la messe, comme un acte d’espérance. Ne disons-nous pas à la fin du credo, sous la forme du symbole de Nicée-Constantinople : « J’attends la résurrection des morts et la vie éternelle ». Les croyants pourraient s’appeler les espérants !

. Méditer régulièrement les béatitudes

. Parler autour de soi de livres, de films, d’œuvres d’art remplis d’espérance. Lire la vie des saints, par exemple celle de Ste Joséphine BAKHITA. « Soyez prêts à tout moment à présenter une défense devant quiconque vous demande de rendre raison de l’espérance qui est en vous » 1 Pi 3, 15

. S’imprégner du message de Pontmain, offert par la Vierge, en des temps difficiles (1871) : « Mais priez mes enfants Dieu vous exaucera en peu de temps. Mon Fils se laisse toucher »

Bibliographie :

Benoît XVI, Encyclique « Sauvés dans l’espérance », 2007

Paul Valadier, Ce qui nous fait tenir en temps d’incertitude, l’espérance vive, 2021

5. La Charité

La charité n’a pas bonne presse :

Il y a un véritable problème de langage. Le mot amour est très utilisé, très beau, mais très ambigu, tellement il y a de formes de l’amour : « l’amour du chocolat, l’amour de la patrie, l’amour pour son métier, l’amour familial, l’amour d’autrui, l’amour de Dieu… ». Et, par exemple, une expression comme « faire la charité » exprime la condescendance dans l’amour, ce qui n’est pas la charité qui est la perfection de l’amour.   

La charité et l’amour :

Le pape Benoît XVI dans son encyclique « Dieu est amour » exprime avec beaucoup de clarté la spécificité de l’amour de charité. 3 termes, dans la bible grecque, expriment l’amour :

Eros, comme l’amour d’attirance, lié au corps, à l’instinct, au désir charnel, à « l’ivresse au-delà de toute raison ». Nietzche a reproché au catholicisme de détruire l’Eros. La bible ne refuse pas l’eros, mais sa déformation. « Le défi de l’Eros est vraiment surmonté quand le corps et l’âme sont unifiés » n°5. Le pape François dans son exhortation apostolique sur « la joie de l’amour » a de magnifiques paroles sur l’amour comme eros : « L’érotisme le plus sain, même s’il est lié à une recherche du plaisir, suppose l’émerveillement, et pour cette raison, il peut humaniser les pulsions » AL n°151. 

Philia, comme amour d’amitié. Il y a plein de degrés d’amitié. L’amitié est une grâce insigne dans l’existence. Jésus nous invite à l’amitié. « Je ne vous appelle plus serviteurs… je vous appelle mes amis… Vous êtes mes amis, si vous faites ce que je vous commande » Jn 15, 13-15. Et Jésus commande l’amour au sens de « Je vous en supplie », si vous voulez être heureux, « aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ». L’amitié forte entre les humains conduit à la joie quotidienne : « Otez de la nature ce commerce de bienveillance, il n’y aura plus ni maison, ni cité » Cicéron. Pierre-Hervé Grosjean prêtre éducateur de notre temps, dans son livre « Aimer en vérité », invite les jeunes, à cultiver des amitiés de qualité, et ne pas passer trop vite à l’amour conjugual : pas trop tôt, pas trop vite, pas trop près ! A noter que même l’amour conjugual pour s’épanouir a besoin d’amitié, d’échanges des âmes en profondeur. 

Agapè, comme amour de charité : « Dieu est amour : celui qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu en lui » 1 Jn 4, 16. C’est l’amour par excellence. L’agapè est l’amour de Dieu pour nous. C’est l’amour de Dieu révélé par Jésus et communiqué par l’Esprit. L’agapè devient l’amour de l’homme pour l’autre, un amour qui « dépasse le caractère égoïste de l’eros », un amour exclusif de l’autre et pour toujours. C’est un amour à la manière de Jésus :  un amour absolument gratuit, un amour qui pardonne, un amour du prochain qui se fait de plus en plus universel et concret : « Celui qui a besoin de moi et que je peux aider est mon prochain » (cf parabole du Bon Samaritain), un amour sans prosélytisme : « Le chrétien sait quand le temps est venu de parler de Dieu et quand il est juste de le taire et de ne laisser parler que l’amour » DCE n°31  

La justice et la charité : Certains pensent que la charité apporte un plus, avec des organismes caritatifs comme le Secours Catholique, la société St Vincent de Paul, Terre Solidaire… quand la société n’y arrive plus. « C’est charitable » ! C’est vrai que ces organismes constituent la charité organisée de l’Eglise. C’est vrai qu’ils pratiquent la charité en actes et nous entrainent à aimer et servir les pauvres, à la manière du Christ. Mais la charité, pour l’Eglise, est nécessaire à tout moment, en vue de l’accomplissement de toute œuvre. « La foi sans les œuvres est morte » Jc 2, 26. « La charité du Christ nous presse » 2 Co 5, 14, à aimer, à servir, avec tout homme de bonne volonté, en toutes circonstances. 

La charité en actes : Qu’est-ce qui nous entraine le plus à aimer ? Un conjoint prévenant, un parent attentionné, un enfant débordant d’amour spontané, un priant, quelqu’un d’engagé pour les autres, un témoin…

Les saints de l’Eglise qui sont la charité en actes sont nos modèles. Un seul détail de leur vie suffit à évoquer la totalité de leur cœur brûlé de l’amour de Dieu et des frères : St Jean qui pose sa tête sur la poitrine de son Maître, St Laurent qui accepte de brûler martyr sur un gril,  St Charles Borromée qui visite ses ouailles atteints de la peste, St Vincent de Paul qui accueille les enfants abandonnés, Mère Teresa qui accompagne les mourants… et tous ces saints d’aujourd’hui, ces « saints de la porte d’à-côté »,  comme aime à le dire le pape François, qui, humblement, dans le quotidien posent des actes d’amour et de pardon, le don par excellence. 

La charité en exercices : On n’a jamais fini d’aimer.

Dans la lumière de l’encyclique de Benoît XVI : « Dieu est amour », que l’amour parfait de charité intègre l’amour d’attirance, à réguler par la vertu de tempérance, et l’amour d’amitié. Pour cultiver l’amitié, je vous recommande « le calendrier perpétuel AMITIE, une citation pour chaque jour », d’Helen EXLEY, disponible en librairie.

Pour développer la charité, laissons jaillir l’Esprit qui habite nos cœurs, à l’occasion de toutes nos rencontres. La charité est de tous les instants. « La mesure de l’amour est d’aimer sans mesure » St Augustin.

Important de relire régulièrement sa vie, à la lumière de :

1 Co 12, 31-13, 13 : « … L’amour prend patience ; l’amour rend service ; l’amour ne jalouse pas ; il ne se vante pas, ne se gonfle pas d’orgueil ; il ne s’emporte pas ; il n’entretient pas de rancune ; … il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout… »

ou de Mt 25, 31-46 : «… “Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait …”

Bibliographie : Bible ; Benoît XVI, Encyclique Dieu est amour, 2005 ;

François, La joie de l’amour, 2016 ; Pierre-Hervé GROSJEAN, Aimer en vérité, 2014

6. La Justice

On dit souvent que les enfants n’aiment pas l’injustice. Ils ont bien raison !

Etre juste :

La vertu de justice consiste à respecter l’autre (Dieu, la maison commune, les personnes…). Mieux encore, « elle consiste dans la constance et ferme volonté de donner à Dieu et au prochain ce qui leur est dû » (Catéchisme de l’Eglise catholique §1807).

Les dix commandements de Dieu, que Moïse nous a transmis, mettent en garde contre toutes les injustices : les faux témoignages, l’adultère, le meurtre, le vol ou convoiter une personne ou le bien de cette personne, ne pas s’occuper de ses parents, ne pas rendre à Dieu ce qu’il mérite : notre reconnaissance. La justice est faite pour nous « ajuster » aux autres. Parce que nous sommes des vivants, nous avons des droits, mais en même temps parce que nous avons des droits, nous avons des devoirs qui leur correspondent. « La norme fondamentale…, c’est le respect de la vie, et en premier lieu, de la dignité de la personne humaine » (Jean-Paul II, 1er janvier 1990). Mais la véritable justice va plus loin que le respect, elle promeut le bien de tous.

« Rendre justice » :

La justice qui se manifeste, en sérénité personnelle et en paix sociale, ne va pas de soi, c’est pourquoi toutes les civilisations de l’humanité ont toujours eu besoin d’organiser la justice des tribunaux. C’est un exercice difficile, car le cœur humain est compliqué. La présomption d’innocence existe jusqu’au jugement quel qu’il soit. Le juge doit enquêter, faire la part des choses, ne pas céder aux pressions des uns et des autres, aujourd’hui au pouvoir médiatique, nouvelle forme de tribunal, avant même le jugement de l’autorité judicaire.

La justice est représentée  traditionnellement par la balance qui pèse, soupèse les actes, les uns bons, les autres mauvais. Le bien va-t-il l’emporter sur le mal ? Le discernement raisonnable posé sur des actes, sur des intentions, sur des circonstances appartient au jugement. Quatre vertus doivent cohabiter : « Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent » Ps 84.

La recommandation de St Louis à son fils aîné Philippe est toujours d’actualité : « Que tu sois si juste que quoiqu’il arrive, tu ne t’écartes de la justice. Et s’il advient qu’il y ait querelle entre un pauvre et un riche, soutiens de préférence le pauvre contre le riche, jusqu’à ce que tu saches la vérité, et quand tu la connaitras, fais justice » 

Le chemin de la justice….

Qui peut dire qu’il est juste, dans un monde tellement rempli d’injustices ? Chacun de nous peut exercer la justice à 3 niveaux : celui de la relation humaine particulière, celui de la société (Par exemple, je m’engage avec  d’autres, soit pour accueillir des migrants, soit pour respecter la création, soit dans une association de victimes….), celui des structures sociales.

Je sais que des injustices sont criantes et tolérées par des lois, mais je peux agir pour faire évoluer les conditions pour plus de justice dans la société.

La Parole de Dieu ne cesse de nous accompagner sur des chemins de justice : «  La loi du Seigneur est parfaite, qui redonne vie,  la charte du Seigneur est sûre, qui rend sages les simples. Les préceptes du Seigneur sont droits, ils réjouissent le cœur ; le commandement du Seigneur est limpide, il clarifie le regard » Ps 18. Les sacrements de l’Eglise nous donnent la force pour vivre selon la justice évangélique, celle qui dépasse la loi du talion : « œil pour œil, dent pour dent » ; elle va jusqu’à rendre le bien pour le mal.

« La justice se fait chemin. On ne fait pas justice une fois pour toutes. Quand tu commences à vouloir être juste, tu sais que tu n’en n’auras jamais fini. Le monde ne pourra jamais être juste, mais le monde peut être plus juste. Il faut que tu acceptes avec humilité que tes actes ont rendu peut-être le monde un peu plus juste, mais non pas juste, une fois pour toutes…Tu es un chercheur de justice…La vertu de justice ne fait que tracer un chemin…Celui qui peut être vraiment juste, c’est celui qui ne se sent jamais assez juste » (Pierre-Yves GOMEZ dans Et maintenant 7 vertus pour traverser la crise)

« Vraiment il est juste et bon »

L’eucharistie nous apprend la véritable justice. Comme le prêtre le dit à la préface de chaque prière eucharistique : « Il est juste et bon de te rendre grâce » pour la création et le monde nouveau du salut. Jésus, « le Juste » condamné injustement mais ressuscité, le Vivant, le Médiateur entre Dieu et les hommes, nous « ajuste » à Lui pour que nous entrions en dialogue d’Alliance avec Lui. Il nous rend juste par la foi opérant par la charité. « Voici que je fais toutes choses nouvelles ». Il nous justifie. Il fait de nous des justes. Il nous donne la force par son Esprit et dans son Eglise de pratiquer la vertu morale de justice avec le secours de la grâce de l’Esprit-Saint. Il est vraiment juste de rendre toutes grâces au Créateur et au Sauveur ;  il est vraiment juste de pratiquer personnellement et ensemble la justice, inséparables de toutes les autres vertus.

« Ce que le Seigneur réclame de toi : rien d’autre que respecter le droit, aimer la fidélité, et t’appliquer à marcher avec ton Dieu. » Mi 6, 8

Quel combat pour la justice me tient à cœur, au niveau personnel et avec d’autres ? Suis-je prompt à dénoncer les injustices ? Suis-je prêt à prendre mes responsabilités politiques pour faire avancer la cause de la justice (vote, contribution au débat démocratique….) ? N’est-il pas juste et bon de sans cesse rendre grâce au Seigneur pour les biens qu’il nous donne ? 

Bibliographie :

Bible + Catéchisme de l’Eglise catholique 

François, Vices et vertus, entretiens avec Marco POZZA, 2021 

Et maintenant 7 vertus pour traverser la crise (par 7 auteurs), Editions Emmanuel, 2021

7. La Tempérance

Serait-ce uniquement une vertu pour temps de carême !

  • Une vertu qui ne doit pas nous faire peur !

Le mot tempérance n’est pas très en vogue. Pourtant, il désigne dans notre héritage chrétien, une des 4 vertus morales cardinales, c’est-à-dire une attitude fondamentale de l’âme. Une vertu cardinale est une vertu charnière (de cardo en latin : gond, pivot), une vertu qui rassemble toutes celles qui lui ressemblent, une vertu principale, une force de l’âme inséparable des 3 autres vertus : justice, force, prudence. Impossible de vivre selon la raison et la grâce de l’Esprit-Saint, sans pratiquer de façon connexe ces 4 dispositions fondamentales de l’âme humaine. Certains parmi nous excellent davantage dans l’usage de l’une de ces 4 vertus, mais impossible par exemple d’être vraiment prudent, sans pratiquer la justice, la force et la tempérance.

  • Une vertu qui nous fait garder la raison !

« La tempérance est la vertu morale qui modère l’attrait des plaisirs et procure l’équilibre dans l’usage des biens créés. Elle assure la maîtrise de la volonté sur les instincts et maintient les désirs dans les limites de l’honnêteté. La personne tempérante oriente vers le bien ses appétits sensibles, garde une saine discrétion et  » ne se laisse pas entraîner pour suivre les passions de son cœur  » (Si 5, 2 ; cf. 37, 27-31). La tempérance est souvent louée dans l’Ancien Testament :  » Ne te laisse pas aller à tes convoitises, réprime tes appétits  » (Si 18, 30). Dans le Nouveau Testament, elle est appelée  » modération  » ou  » sobriété « . Nous devons  » vivre avec modération, justice et piété dans le monde présent  » (Tt 2, 12).

‘’Bien vivre n’est autre chose qu’aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme et de tout son agir. On Lui conserve un amour entier (par la tempérance) que nul malheur ne peut ébranler (ce qui relève de la force), qui n’obéit qu’à Lui seul (et ceci est la justice), qui veille pour discerner toutes choses de peur de se laisser surprendre par la ruse et le mensonge (et ceci est la prudence)’’ S. Augustin ». Catéchisme de l’Eglise catholique n°1809

  • Une vertu pour notre bonheur !

Nous avons l’habitude de parler positivement de la tempérance, par exemple, quand nous disons que nous vivons dans un pays au climat tempéré, ou que quelqu’un tempère ses propos… La beauté de la tempérance n’est pas dans l’absence de jouissances des plaisirs de la vie, mais dans la joie légitime de ces plaisirs naturels, augmentée de la joie de la régulation des passions les plus vives de l’âme qui pourraient l’entrainer vers les excès qui abîment l’homme. Ce qui faisait dire à Nelson Mandela, à la fin de sa vie : « Je suis le capitaine de mon âme » Cf film Invictus. La tempérance porte spécialement vers toutes ces inclinations qui attirent le plus l’homme vers ce qui est contraire à la raison. Il s’agit de tempérer ses désirs naturels de nourriture et de boissons, de réguler sa vie sexuelle, mais aussi de modérer par exemple, aujourd’hui, son usage des écrans, des voyages etc. Si la tempérance qui modère est commune à toutes les vertus, elle est cependant bien une vertu spéciale en tant qu’elle combat les excès d’inclinations puissantes ou des addictions comme l’alcoolisme, la drogue qui nous détournent d’une vie droite et raisonnable.

  • Le combat spirituel !

Chacun mène les combats de tous pour que la raison l’emporte dans nos comportements. Mais, force est de constater que chacun a ses combats plus ou moins rudes, en fonction d’inclinations plus ou moins puissantes à maitriser.

 

Prenons le cas de l’alcoolisme. Mais cela vaut pour plein d’autres passions.

Distinguons la maladie et le péché. L’alcoolisme est une maladie dont les causes sont multiples : antécédents familiaux, désirs de « se sentir mieux, d’atténuer une douleur, d’apaiser une angoisse, de se fuir soi-même, de lâcher ses inhibitions, parfois jusqu’à la perte de contrôle » Pascal IDE. Le péché, celui d’ébriété, peut être celui du déni : refuser de se reconnaitre malade, celui des refus de se soigner, d’être accompagné (par exemple, avec des Associations : Alcooliques Anonymes, Pèlerins de l’Eau vive) et de s’en remettre à Dieu.  

Comment y remédier ? Plus facile à dire qu’à faire !

. Traiter la cause : le plus difficile est souvent de passer du déni à la reconnaissance des causes. Accepter un accompagnement médical, psychologique et spirituel. Poser des actes dans le sens de la guérison, de la vie.

. Comme pour tous les chrétiens, pratiquer le jeûne qui approfondit notre relation à nous-mêmes par le corps, pratiquer la prière qui développe notre relation à Dieu, plus grand que l’idole de l’alcool, pratiquer le partage qui fait fructifier notre relation aux autres. Cette nouvelle relation à soi-même, aux autres et à Dieu, rééquilibre notre vie.

. Patienter, car la victoire sur les addictions demande souvent un long chemin, parsemé d’échecs et de victoires. Pas à pas, jour après jour.     

 

Conclusion : La tempérance prend la mesure du temps, car il faut du temps pour se convertir, se perfectionner, pour lâcher prise. Elle s’épanouit en milieu favorable quand elle cultive l’art de l’émerveillement et de la reconnaissance des biens de la création. Enfin, la tempérance n’est pas naïve, elle se déploie dans la mesure de la vigilance de l’espérance :

« Soyez sobres, veillez : votre adversaire, le diable, comme un lion rugissant, rôde, cherchant qui dévorer. Résistez-lui avec la force de la foi, car vous savez que tous vos frères, de par le monde, sont en butte aux mêmes souffrances. Après que vous aurez souffert un peu de temps, le Dieu de toute grâce, lui qui, dans le Christ Jésus, vous a appelés à sa gloire éternelle, vous rétablira lui-même, vous affermira, vous fortifiera, vous rendra inébranlables.  À lui la souveraineté pour les siècles. Amen » 1 Pi 5, 8-11.

Bibliographie :

Catéchisme de l’Eglise catholique

Pascal IDE, Les 7 péchés capitaux ou ce mal qui nous tient tête, Mame, 2019

8. La force

Celui ou celle qui est bienveillant, sobre, croyant, espérant, aimant, juste, tempérant (7 vertus que nous avons abordées depuis 7 mois) est « forcément » fort, car chaque vertu (virtus en latin signifie force) est une force de l’âme. Et pourtant la Tradition de l’Eglise a toujours tenu à une vertu particulière, appelée la force. Elle est même une vertu morale cardinale ou primordiale qui rassemble d’autres vertus qui lui ressemblent : le courage, la patience, la détermination, la fermeté, la constance, la persévérance….

Ce qu’elle n’est pas :

La vertu de force n’est pas la force physique. Même s’il faut beaucoup de force morale pour être un sportif de haut niveau, il en faut davantage pour les sportifs handicapés ou pour des malades qui luttent contre la mort et pour la vie ou pour chacun de nous pour réussir sa vie !

Elle n’est pas la force de la violence guerrière qui tue. Même si la société s’appuie sur des forces politiques ou syndicales ou armées, chaque guerre est fondamentalement une défaite pour les hommes, l’échec du dialogue, l’illusion de la force. Cette force là est une faiblesse, car elle ne concourt pas au vrai bien de l’homme. Alors que la sagesse proverbiale le dit et le redit sans cesse : « L’union fait la force » ou « A force de patience… ».

Ce qu’elle est :

La vertu de force « est la vertu morale qui assure dans les difficultés la fermeté et la constance dans la poursuite du bien. Elle affermit la résolution de résister aux tentations et de surmonter les obstacles dans la vie morale. La vertu de force rend capable de vaincre la peur, même de la mort, d’affronter l’épreuve et les persécutions. Elle dispose à aller jusqu’au renoncement et au sacrifice de sa vie pour défendre une juste cause. « Ma force et mon chant, c’est le Seigneur » (Ps 118:14). « Dans le monde, vous aurez de l’affliction, mais courage, moi j’ai vaincu le monde» (Jn 16:33) » Catéchisme de l’Eglise catholique n°1808. Les théologiens précisent, ce qui a été confirmé par des soldats de la 1e guerre mondiale, à savoir qu’il faut plus de force d’âme (raison gardée et volonté renforcée) pour supporter les périls dans les tranchées que pour attaquer.

Cultiver la force d’âme : la force de caractère

   Endurer ou s’assouplir ? Les images guerrières de la force peuvent laisser penser que pour devenir fort, il faut savoir endurer les épreuves de l’existence. Faudrait-t-il s’endurcir, devenir dur, pour être fort ? Mais la force n’est pas la dureté. Bernanos a cette admirable réflexion, dans « Le dialogue des carmélites » : « On pourrait croire que Dieu éprouve les saints comme un forgeron une barre de fer pour en mesurer la force. Il arrive pourtant aussi qu’un tanneur éprouve entre ses paumes une peau de daim pour en apprécier la souplesse ». Et si une âme forte était une âme souple, davantage un roseau qui plie sous la tempête, qu’un chêne déraciné par le vent ! 

   Devenir fort ou devenir faible ? Pour devenir fort, selon l’Evangile, il faut faire l’expérience de sa pauvreté, de sa vulnérabilité. L’humilité, qui nous fait penser à l’humus de la terre, est intérieure à toutes les vertus ; le curé d’Ars disait que comme un fil relie toutes les perles du chapelet, ainsi l’humilité relie toutes les vertus. « On naît vulnérable et on est vulnérable. Se croire fort, se prétendre fort est un leurre. Être fort n’est pas un état statique ou définitif. C’est un mouvement. Se savoir vulnérable et l’assumer est une force qui libère et qui libère nos forces » Blanche Streb dans « Et maintenant ? 7 vertus pour traverser la crise« . L’expérience de St Paul, l’homme fort, le persécuteur des juifs qui devient, par grâce de Dieu, l’apôtre de Jésus et des nations, est celle de la faiblesse qui devient une force : « J’ai reçu dans ma chair une écharde, un envoyé de Satan qui est là pour me gifler, pour empêcher que je me surestime. Par trois fois, j’ai prié le Seigneur de l’écarter de moi. Mais il m’a déclaré : « Ma grâce te suffit, car ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse ». C’est donc très volontiers que je mettrai plutôt ma fierté dans mes faiblesses, afin que la puissance du Christ fasse en moi sa demeure. C’est pourquoi j’accepte de grand cœur pour le Christ les faiblesses, les insultes, les contraintes, les persécutions et les situations angoissantes. Car, lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort » 2 Co 12, 7-10.

   S’isoler ou tendre la main : « Personne ne se sauve seul. Que serait-on sans les autres ? La force se reçoit comme elle se transmet. Quand une difficulté nous écrase… une main se tend. L’humilité invite à la prendre. Et la vraie force invite à la tendre. On n’est pas vraiment fort si on ne partage pas sa force, si on ne relève pas chez l’autre les forces de vie qu’il porte en lui. La force trouve une forme de son accomplissement dans sa capacité à rendre l’autre fort » Blanche Streb.

Invoquons le don de force : la force de Dieu

Prenons l’image classique du bateau :

Ramer figure l’exercice des vertus humaines. Elles requièrent toute l’énergie de toutes les puissances de notre âme : intelligence, volonté, cœur, mémoire, imagination.

Laisser le vent souffler dans les voiles figure l’action des 7 dons de l’Esprit Saint. La force fait partie de ces 7 dons. Nous pouvons faire spécialement appel à l’Esprit-Saint quand le combat est trop rude. Nous pouvons également demander à l’Esprit-Saint de souffler continuellement dans les voiles de notre âme pour faciliter l’entrainement spirituel, lié aux progrès de nos vertus.

Notre Eglise est une Eglise de la Pentecôte. Avec la force de l’Esprit, soyons les témoins de la Bonne nouvelle de la paix : « Vous allez recevoir une force quand le Saint-Esprit viendra sur vous ; vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre » Ac 1, 8.

Bibliographie : Catéchisme de l’Eglise catholique ; 7 auteurs, Et maintenant ? 7 vertus pour traverser la crise, 2021, Editions Emmanuel

9. La Prudence

La prudence n’est pas toujours ce que l’on pense :

Parfois, on pense être prudent en se taisant, en ne prenant pas de décision, en ne prenant pas de risque, en usant et abusant du principe de précaution. « Elle ne se confond, ni avec la timidité ou la peur, ni avec la duplicité ou la dissimulation » Catéchisme de l’Eglise catholique * n°1806.  Conduire avec prudence, consiste-t-il à rouler doucement, au risque de provoquer des accidents, ou bien respecter avec discernement le code de la route ? Les panneaux lumineux sur les autoroutes nous le rappellent régulièrement : « Soyez prudents ». Par exemple, en précisant : « Toutes les 2 heures, une pose s’impose ». La prudence au volant n’est pas seulement le pied sur le frein ou sur l’accélérateur, mais dans l’alternance raisonnable entre freinage, quand c’est utile, et accélération quand c’est opportun afin que la route soit partagée par tous et que chacun s’achemine à bon port. La prudence au volant est une bonne image de la prudence qui doit conduire toute notre vie.

La vertu de prudence …

Est, selon les évêques de France : « un certain sens spirituel (qui) permet à l’homme droit de percevoir ce qui est juste et bon dans le maquis des situations concrètes. Cette aptitude à faire les bons choix s’appelle la vertu de prudence, au sens noble du mot, qui n’a rien à voir avec le manque de courage. Au contraire, elle allie l’intelligence de l’analyse, le don de soi et le risque lucide qui, lui, engage la personne dans l’action. Il ne s’agit pas simplement de savoir où est le bien, mais de trouver l’énergie pour l’accomplir, de trouver assez d’amour de Dieu, de soi-même et du prochain, pour agir vraiment bien » Catéchisme pour adultes ** n°510. Ce que disait déjà, au 13es., le théologien St Thomas d’Aquin, dans une formule synthétique : « La prudence est l’art de discerner le plus grand Bien et de choisir les bons moyens pour l’atteindre » St Thomas d’Aquin.

« Choisir les bons moyens pour faire le mal, c’est être habile, ce n’est pas être prudent ; choisir les bons moyens seulement dans une logique de précaution, ce n’est pas non plus être prudent, c’est être ‘’demi-habile’’ selon la formule de Pascal. La prudence chrétienne voit loin, elle vise haut, et par nature, elle consent à l’inconnu et au risque : c’est la vertu de tous les combats, la capacité à lier connaissance et amour » Mgr Bruno VALENTIN dans Et maintenant 7 vertus pour traverser la crise, p. 90 ***

Les leçons éclairantes de la pandémie de la Covid 19 :

Qui n’a pas été en difficulté comme gouvernant pour décider une politique sanitaire, et comme citoyen pour comprendre et mettre en œuvre des contraintes sanitaires, nécessaires pour certaines, et d’autres qui se sont avérées inadaptées, voir inhumaines comme l’interdiction de certaines visites ! La prudence personnelle et collective, appelant du dialogue jusque dans la prise de décision, est requise pour fixer le cap (la fin) et les moyens. La distinction entre biens nécessaires et « non-nécessaires » s’est vite avérée inopérante. « La prudence est une affaire de priorité » ***. Le sanitaire est-il un absolu ? Comment prioriser, articuler, tenir ensemble les dimensions humaines, économiques, sociales, sanitaires, culturelles, religieuses ?  Attention, quand LA FIN est le sanitaire ! Attention, quand les fins ne sont pas hiérarchisées. Attention, quand un moyen : éviter les interactions sociales pour stopper les contaminations, est pris pour la fin. La prudence requiert d’élever sans cesse notre regard vers les vrais biens de l’homme et de ne pas sacraliser les moyens. 

La prudence de l’Eglise :

« La prudence de l’Eglise est d’un tout autre ordre que de faire simplement preuve d’exemplarité dans le respect des règles sanitaires, ou de combativité pour défendre son pré carré ; elle consiste à faire preuve d’inventivité pour tenir sa place d’intercession dans le monde, et à discerner les voies d’une fraternité universelle, sans jamais abandonner le soin des plus pauvres. Car là n’est pas le moindre des périls : lâcher la main des plus pauvres au nom de la prudence ». La pandémie a mis à jour des « conflits de prudence », par exemple, pour les organismes caritatifs : une « prudence interne » conduisant à « baisser le rideau » pour ne pas exposer ses bénévoles ou une « prudence externe » se mobilisant en adaptant de nouveaux services. La prudence de l’Eglise sera toujours celle de la charité brûlante, de la fraternité universelle, celle du « samaritain prudent » de l’Evangile qui « ne laisse rien au hasard pour sauver celui qu’il reconnait comme un frère » ***

La prudence évangélique :

« Soyez prudents comme des serpents et candides comme des colombes » Mt 10, 16. « La prudence est la vertu de celui qui se sait comme une brebis au milieu des loups : il n’a pas la naïveté d’ignorer qu’il y a des loups, ou de croire que ce sont des brebis qui s’ignorent. Il sait la réalité du mal et sa présence menaçante. Mais il refuse de se comporter lui-même comme un loup, et cherche tous les moyens pour leur échapper » ***. Dans l’Evangile, Jésus loue l’habileté des gérants malhonnêtes pour stimuler la prudence des fils et des filles de la lumière Lc 16, 1-13. L’homme prudent ou prévoyant de l’Evangile est celui qui non seulement construit sa maison, mais il la construit sur le roc Mt 7, 24. L’homme prudent d’aujourd’hui choisit ses biens, les plus grands biens, ses priorités, ses fins ; il choisit en même temps des moyens bons et adaptés qui lui permettront d’accéder à ces biens, car « la fin ne justifie pas toujours les moyens » Kant.  

Bibliographie :

*Catéchisme de l’Eglise Catholique, Mame/Plon, Paris, 1992

**Catéchisme pour adultes, Les évêques de France, Centurion, Paris, 1991 

**Mgr Bruno VALENTIN,  Et maintenant 7 vertus pour traverser la crise, Emmanuel 2021 

10. L'Humour

Important de terminer ce cycle d’approfondissement de 10 vertus, par celle de l’humour, de la bonne humeur, de la joie. L’Académie française déclare, en 1994, que « l’humour doit être pris au sérieux car il enseigne la modération et un certain art de vivre », loin de tout humour de bas étage, de toute dérision orchestrée, de toute ironie.

Les bienfaits de l’humour :

C’est tellement agréable de rencontrer des hommes et des femmes qui ont de l’humour.

L’humour dédramatise (celui qui est anglais, a la réputation d’être froid). C’est Thomas More, chancelier d’Angleterre (15e-16e s.), bien connu pour ces fameux mots d’esprit, qui, montant à l’échafaud, dira à l’officier présent : « Je vous en prie, Mr le Lieutenant, aidez-moi à monter, pour la descente, je me débrouillerai ».

L’humour provoque (celui qui est français, mise sur le tranchant de l’intelligence, il est critique) : « Il croit qu’il devient sourd, dès qu’il n’entend plus parler de lui » (Talleyrand)

L’humour met à distance : « Figurez-vous qu’il m’arrive une catastrophe : j’ai gagné un million d’euros ! Qu’est-ce que je vais faire de tout cet argent. Un vrai souci ! »

L’humour aborde avec délicatesse des choses difficiles : « J’ai une chose compliquée à te confier, si tu as un instant, on pourrait en parler 2 minutes ! »

L’humour, par l’absurde, peut nous faire rire par ces jeux de mots, dans ce débordement accepté de la raison : « Une fois rien, c’est rien. Deux fois rien, ce n’est pas beaucoup. Mais trois fois rien ! Pour trois fois rien, on peut s’acheter quelque chose » Raymond Devos.

L’humour respecte l’autre : il commence par soi : « Bienheureux ceux qui savent rire d’eux-mêmes, ils n’ont pas fini de s’amuser ». St Jean XXIII n’hésite pas à répondre à une religieuse (Congrégation des filles du Saint-Esprit) qui se présente à lui comme la supérieure du Saint-Esprit : « Vous avez de la chance. Moi, je ne suis que le vicaire du Christ » !

L’humour naturel des enfants nous garde un cœur d’enfant : « Dans la phrase :  »Le voleur a volé les pommes », où est le sujet ? », demande l’instituteur. « En prison », répond l’enfant.

L’humour chasse la tristesse : « La joie du cœur fait vivre l’homme et la gaieté prolonge la durée de ses jours. Divertis-toi, réconforte ton cœur, et chasse loin de toi la tristesse. » Si 30, 22-23.

Focus sur l’humour :

L’humour aide à vivre, à survivre, à guérir. L’humour rend la vie plus légère à porter, à supporter, à aimer. L’humour entretient la santé de l’âme, veille sur le bonheur des autres, apporte cette petite touche de légèreté de chaque jour, dans la banalité ou la gravité du quotidien. Il est vraiment cette « sagesse pratique dans l’art de la mise à distance »*. Il est une forme de l’esprit qui prend la vie du bon côté (Cf le film La vie est belle, de Roberto Begnini, 1997).

L’humour peut être cette musique de l’âme qui enchante toutes les vertus :  il  est proche de la justice quand il ajuste les relations mutuelles, proche de la tempérance quand il prévient la colère, proche de la force quand il est plus fort que la tristesse, proche de la prudence quand il donne du recul pour discerner, proche de la foi quand il développe la confiance, proche de l’espérance quand il entretient l’espoir, tout proche de la bienveillance et de la sobriété heureuse, inséparable de la charité et qui rit et qui sourit.

Est-ce que Jésus riait ?  

« Jésus a-t-il jamais ri ? Aucun texte n’en fait mention. Aucune tradition »**. En occident beaucoup d’œuvres nous présentent des visages graves du Christ. Heureusement, beaucoup d’autres déploient toute la gamme des sentiments, beaucoup sont remplies de sérénité. Jésus a-t-il souri ? Didier Decoin de l’Académie Goncourt a écrit, en 1999, un livre admirable sur Jésus le Dieu qui riait, dans lequel il reprend les Evangiles, dans le contexte du monde juif de l’époque de Jésus, pour nous faire deviner, goûter, savourer, entre les lignes des récits, ces sourires et ces rires de Jésus. Comment le Dieu qui s’est fait homme, pleinement homme, « celui qui aime l’amitié, les escapades en bateaux et les poissons grillés, le bon vin et les fêtes liées au calendrier juif, Celui qui est porteur du plus merveilleux et radieux des messages »**, comment aurait-il pu ne pas se réjouir avec les hommes, accueillant son royaume ! Didier Decoin risque ces mots, pour la fin du miracle de Cana : « Toutes les têtes se tournent vers Marie qui entre deux éclats de rire, ne peut que balbutier : ‘’Excusez-moi, excusez-moi, mais c’est plus fort que moi !’’Jésus la dévisage avec amour. Ce n’est pas le premier rire qu’il fait naître, et ce ne sera pas le dernier, mais ce rire de sa mère, un rire émerveillé et confiant, est le plus beau. Tandis que les serviteurs remplissent les coupes, tout le monde se met à rire avec Marie. Et Jésus rit aussi »**.

« Un saint triste est un triste saint » : La joie qui habite en profondeur le cœur des saints est une source toujours prête à jaillir. On raconte de St Philippe Néri, fondateur de l’oratoire (16e s.) : « A une dame qui se confesse, il prescrit comme pénitence d’aller plumer un poulet dans les rues de la ville, par grand vent, puis de revenir le voir. « Maintenant, vous allez ramasser les plumes. – Mais c’est impossible ! rétorque la pénitente. – Vous avez raison. Mais c’est plus facile que de rattraper vos médisances !»

Il sera nommé patron des humoristes.  L’humour, c’est drôle et c’est sérieux !

Et moi, quels aspects de l’humour me touchent et m’incitent à le pratiquer davantage ?

Bibliographie :

*Jacques LE GOFF, L’humour, c’est sérieux, Rennes, 2014

**Didier DECOIN, Jésus le Dieu qui riait, Paris, 2001