Homélie : Mal 3, 19-20a ; Ps 97 ; 2 Thes 3, 7-12 ; Lc 21, 5-19
Chers amis,
L’Avent et les dimanches qui précédent nous familiarisent avec les discours de Jésus sur la fin du monde ouverte sur le retour du Christ, sur la vie éternelle, sur le ciel, l’enfer, le purgatoire. Ces discours ne sont pas un détail du comment se réalisera la fin du monde, ils empruntent au genre littéraire biblique apocalyptique pour nous révéler (apocalypse signifie en grec révéler) le sens de notre histoire, de l’histoire du monde. Vatican II le dit clairement dans sa constitution pastorale sur l’Église dans le monde de ce temps : « Qu’elle aide le monde ou qu’elle reçoive de lui, l’Église tend vers un but unique : que vienne le règne de Dieu et que s’établisse le salut du genre humain…Le Seigneur est le terme de l’histoire humaine, le point vers lequel convergent les désirs de l’histoire et de la civilisation, le centre du genre humain, la joie de tous les cœurs et la plénitude de leurs aspirations. C’est lui que le Père a ressuscité d’entre les morts, a exalté et à fait siéger à sa droite, le constituant juge des vivants et des morts. Vivifiés et rassemblés en son Esprit, nous marchons vers la consommation de l’histoire humaine qui correspond pleinement à son dessein d’amour : « ramener toutes choses sous un seul chef, le Christ, celles qui sont dans les cieux et celles qui sont sur la terre » (Ep 1, 10). C’est le Seigneur lui-même qui le dit : « Voici que je viens bientôt et ma rétribution est avec moi, pour rendre à chacun selon ses œuvres. Je suis l’alpha et l’oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin» (Ap 22, 12-13) » GS n°45.
C’est notre grand récit prophétique positif, un récit qui nous assure que nous sommes dans la main de Dieu, que nous pouvons œuvrer librement au progrès de la cité et au déploiement de l’Église, que l’Église et le monde ont parties liées, que l’histoire boulversée/boulversante du monde est traversée de notre immense espérance : le Christ est Seigneur, Sauveur, juste Juge de l’histoire. Au fil de l’histoire, il y a toujours eu des personnes pour regarder le monde, soit avec des lunettes roses, soit avec des lunettes noires. Soit avec des lunettes roses : le millénarisme et le joachimisme. Je vous recommande le livre de Denis MOREAU Tous hérétiques ? Sur l’actualité de quelques débats chrétiens (Éditions du Seuil, 2025). Le millénarisme, s’appuyant sur Ap 20, 1-7, explique que, pendant 1000 ans avant la fin du monde, la terre connaitra une sorte de paradis sur la terre. Mais le texte de l’apocalypse n’était pas à prendre à la lettre. « C’est Jésus qui a inauguré la nouvelle période de son règne terrestre qui durera 1000 ans, cad symboliquement très longtemps ». Joachim de Flore, un moine cistercien du XII e.s, annonçait l’imminence de l’âge de l’Esprit pendant 1000 ans. Au fil des siècles, ces théories seront plus ou moins reprises. Le marxisme nous avait promis le bonheur pour tous, après un temps de tribulation ! L’Église elle-même après le concile Vatican II n’a-t-elle pas été prise d’un enthousiasme débordant ! Aujourd’hui, le discours ambiant est plutôt sous le registre des lunettes noires. Car le mouvement transhumaniste de l’homme augmentée par la machine, débarrassée de la maladie et des affres de la vieillesse reste minoritaire et perçu comme utopique ! Le discours ambiant est plutôt catastrophiste avec le réchauffement climatique, la démographie en déclin, les guerres, les risques de l’IA….Notre monde a besoin de prophètes d’espérance qui abordent toutes les questions du monde. Bernanos disait que l’espérance « c’est le désespoir surmonté ». Nous avons besoin de chrétiens, non pas désenchantés mais qui réenchantent le monde par leur « espérance contre toute espérance » ; nous avons besoin de chrétiens réalistes qui travaillent à réconcilier l’humanité avec la planète, qui témoignent de leur foi espérante, aimante.
Et si la vertu, dont nous avions besoin, en ces temps de crises successives, était la persévérance : « C’est par votre persévérance que vous garderez la vie ». Persévérance, courage, patience, détermination, fermeté, constance ! Autant de vertus qui colorent la vertu cardinale de force qui permet de rester ferme dans la recherche du bien jusque dans les dangers, les obstacles les plus grands.
Notre année jubilaire « Témoins d’espérance » s’achèvera, en Mayenne, le samedi 27 décembre, par une messe présidée par notre évêque à la cathédrale de Laval, à 17H00. A cette occasion toutes les messes du samedi soir seront annulées en Mayenne pour permettre de rassembler largement. Persévérance/espérance. Persévérons dans notre espérance. Le mot persévérance contient le mot espérance. La persévérance consiste à supporter dans la durée les difficultés liées à continuer à faire le bien. Cultivons la force d’âme, la force de caractère. Il faut être fort pour espérer quand l’Église devient ultra-minoritaire ! Non pas endurcir son âme mais l’assouplir ? Bernanos a cette admirable réflexion, dans « Le dialogue des carmélites » : « On pourrait croire que Dieu éprouve les saints comme un forgeron une barre de fer pour en mesurer la force. Il arrive pourtant aussi qu’un tanneur éprouve entre ses paumes une peau de daim pour en apprécier la souplesse ». Et si une âme forte était une âme souple, davantage un roseau qui plie sous la tempête, qu’un chêne déracinable par le vent ! Que notre force s’enracine dans notre faiblesse : « On naît vulnérable et on est vulnérable. Se croire fort, se prétendre fort est un leurre. Être fort n’est pas un état statique ou définitif. C’est un mouvement. Se savoir vulnérable et l’assumer est une force qui libère et qui libère nos forces » Blanche Streb dans « Et maintenant ? 7 vertus pour traverser la crise ».
« Ma force et mon chant, c’est le Seigneur » (Ps 118, 14).
AMEN ALLÉLUIA MARANATHA

