Comme toi. Tu aimeras ton prochain comme toi. Je ne sais pas pour vous, mais si j’aimais mon prochain comme je m’aime moi, ce n’est pas sûr que l’autre soit toujours beaucoup aimé.

Car il y a des jours où nous ne sommes pas très fiers de nous-mêmes. Il y a des jours où nous sommes même parfois déçus de nous-mêmes. Et c’est vrai que ce jour-là, notre capacité à aimer l’autre n’est pas très grande. On peut par exemple être de tempérament exigeant avec soi-même.

Et on devient automatiquement exigeant pour les autres, ce qui n’aide pas autrui à se sentir aimé, apprécié, respecté, accueilli. Aussi lorsque Jésus dit « Tu aimeras ton prochain comme toi-même », il nous pose une question : Comment est-ce que tu t’aimes aujourd’hui ? Et crois-tu que la façon dont tu t’aimes aujourd’hui va t’aider en vérité à aimer ceux qui te sont confiés ou ceux que tu vas croiser ? Si je suis rempli d’inquiétude, et bien il se peut que je déverse plutôt mon inquiétude sur l’autre, avec des phrases comme « Te rends-tu compte ? » au lieu d’être attentif à lui en lui demandant « Au fait, comment vas-tu ? » Dans tout l’enjeu de ces deux commandements, de l’amour de Dieu et de l’amour des autres, le nœud du nœud c’est « Comment est-ce que je m’aime ? » Il y a deux risques ici.

Soit tomber dans un orgueil excessif de soi, qui fait qu’il faut toujours qu’on ait la première place, ou alors on va se trouver désespérément nul et on va chercher à tout prix à se cacher dans le petit trou. Ces deux attitudes ne correspondent pas à la vérité profonde. Je ne suis ni le meilleur, ni le plus nul. 
Je suis le chef d’œuvre de Dieu. Car lorsque Dieu m’a fait, il m’a fait à son image. Et s’il y a une chose que Dieu ne peut pas louper, c’est nous, puisqu’il nous a fait à son image.
Pour pouvoir aimer les autres, il faut d’abord avoir compris au plus intime de notre cœur et au plus profond de notre intelligence que je suis le chef d’œuvre de Dieu. Alors je vois déjà toutes vos objections pointées, tous vos « oui mais ». Bien sûr que nous avons en nous une multitude d’imperfections. Oui, nous sommes pécheurs. Mais ne nous trompons pas. Nos péchés et nos imperfections ne sont que des saletés, de la poussière, de la boue sur nous. Mais ne sont pas nous.
Un peu comme une vitre après un automne et un hiver extrêmement pluvieux. Il y a dessus une couche non seulement de poussière mais de crasse qui fait qu’on ne voit plus très bien à travers la vitre. Mais cette poussière, cette crasse, cette boue n’est pas dans la vitre. Et sur le verre, un coup d’éponge et je retrouve la beauté première de ma vitre. Eh bien c’est pareil pour nous.  Nous sommes le chef d’œuvre de Dieu.

Et tout ce qui nous rend imparfait, maladroit, pécheur n’est pas en nous mais sur nous. Un coup d’éponge du pardon de Dieu et je redeviens extrêmement beau et fort. Le chef d’œuvre de Dieu.

Alors comme Marie, je peux chanter « Le Seigneur fait pour moi des merveilles, saint et son nom ». Et si je suis un chef d’œuvre, alors je suis reconnaissant à Dieu d’avoir fait de moi un chef d’œuvre. Je peux m’aimer pour ce que je suis en vérité et non pas pour la fausse image que j’ai de moi-même, orgueilleuse ou nulle.

Et alors découvrant combien je suis beau aux yeux de Dieu, je peux m’apprécier à ma juste valeur et apprécier les choses à leur juste valeur et les aimer pour de vrai, en vérité. Frères et sœurs, puissions-nous dans ce temps de silence qui va suivre au long des lignes, demander à Dieu ce cadeau, de savoir combien nous sommes beaux et forts à ses yeux, que nous sommes sa merveille et son chef d’œuvre et ainsi chasser de notre cœur tout sentiment d’infériorité ou de supériorité, juste être émerveillé par ce que nous sommes, alors vous ferez l’expérience de pouvoir mieux apprécier les autres à leur juste valeur.

Père Frédéric FOUCHER