Pendant 5 dimanches consécutifs, nous allons interrompre la lecture continue de saint Marc pour lire le merveilleux chapitre sixième de saint Jean : chapitre très long et très dense qui commence par la multiplication des pains et se poursuit par ce qu’on appelle « le discours sur le Pain de Vie ».
La multiplication des pains, vous l’avez peut-être remarqué, est le seul miracle à être raconté par les 4 évangélistes, c’est dire son importance ! Il se situe en effet au moment où Jésus déplace son ministère de Galilée à Jérusalem, au moment où l’enthousiasme de la foule diminue et où les paroles de Jésus qui exposent clairement la signification du miracle des pains, nous les entendrons au cours des prochains dimanches, provoquent une crise, mettant les disciples eux-mêmes au pied du mur : un choix décisif s’impose alors : ou bien donner sa foi, faire confiance aux paroles du Christ comme Pierre, ou bien refuser de croire comme Judas et abandonner le Christ.
Jésus qui sait très bien ce qu’il va faire, commence par éprouver rudement ses apôtres. Il consulte tout d’abord Philippe « où pourrions-nous acheter du pain pour qu’ils aient à manger ? ». Philippe a vite fait de calculer mentalement : « 200 journées de salaire ne suffiraient pas à donner une bouchée à chacun », André, inventif et débrouillard : « Il y a là un garçon qui possède 5 pains d’orge et 2 poissons, dit-il à Jésus, mais qu’est-ce que cela pour tant de monde ? ».
Humainement, la difficulté est insurmontable. Et c’est alors que Jésus intervient manifestant sa souveraine maîtrise sur l’impossible et cela par pur amour, pour le service de l’homme. La puissance de l’Homme-Dieu se manifeste avec d’autant plus d’éclat qu’elle utilise des moyens pauvres : le pain d’orge, c’est le pain des pauvres et offert par un enfant ! et avec lequel Jésus va nourrir toute cette foule. Jésus qui est si grand, si puissant, ne veut pas agir seul : il veut avoir besoin des êtres faibles et limités que nous sommes. Il veut pouvoir compter sur notre collaboration si minime soit-elle. A la plus petite offrande, il confère une valeur immense, une portée illimitée. Et la preuve éclatante : un petit garçon lui offre généreusement 5 pains et 2 poissons et ça lui suffit pour rassasier toute une foule et avec surabondance puisqu’on recueille 12 corbeilles de restes.
Frères et sœurs, aujourd’hui comme hier, dans l’ordre spirituel, Jésus n’agit pas autrement. Quel moyen emploie-t-il pour continuer sa présence parmi nous, pour entretenir, augmenter et fortifier la vie divine que nous avons reçue en notre âme à l’heure de notre baptême ? Eh bien, tout simplement un peu de matière : du pain et du vin. Et par sa puissance créatrice, transfiguratrice, il les change en son corps et en son sang. Ressuscité, toujours vivant, il est présent, bien qu’invisible à nos yeux, sous les espèces du pain et du vin consacrés.
Par le moyen de ce sacrement d’amour qu’est l’Eucharistie, Jésus peut renouveler à tout instant dans le monde l’offrande de son sacrifice rédempteur et nourrir la foule de ses amis pour qu’ils vivent de lui, de sa pensée, de son amour, de sa force et deviennent de plus en plus participants de sa divinité.
Bien des fois, reconnaissons-le, nous nous laissons aller au découragement et nous frôlons peut-être le désespoir face aux difficultés de toutes sortes qui se dressent sur la route de notre vie chrétienne : qu’il s’agisse de la virulence des tentations, de la tyrannie des passions, de souffrances physique ou morales particulièrement éprouvantes. Frères et sœurs même si nous nous sentons très pauvres, très limités, même si jusqu’à présent nous avons accumulé les échecs, ne nous laissons pas abattre, rappelons-nous que si nous savons nous offrir à Jésus, nous en remettre totalement à Lui, il est vraiment capable de transformer notre pauvre vie, en nous donnant d’aimer Dieu et nos frères et sœurs comme Lui-même les aime. Oui, soyons « tout à Jésus » et par Marie ! il nous comblera alors de sa grâce et il fera même de nous des multiplicateurs de cette grâce, pour le plus grand bien du monde entier et la Gloire du Père. AMEN.
Père Jean-Claude Duclos