De simples serviteurs. Comment ces mots ont résonné dans votre cœur ? Plutôt comme un soulagement ? Ouf ! On ne m’en demandera pas plus ! ou comme une petite tristesse ? J’espère quand même que ce que je fais sert à quelque chose et que quelqu’un me dira merci. Alors, quand Jésus les prononce, ces simples mots, qu’est-ce qu’il espère susciter en nous ? Eh bien, un double enthousiasme.

Tout d’abord, qui pose cette question ? Les apôtres. Peut-être avez-vous en tête que ceux qui suivent Jésus sont tantôt appelés disciples, tantôt appelés apôtres.

Disciple pourrait se traduire par écolier, celui qui se met à l’école, à l’écoute de quelqu’un pour réfléchir au sens profond de la vie et à la foi en Dieu.

Le mot apôtre, lui, désigne les missions qui nous incombent. Et donc, ceux qui posent la question ici, ce sont les proches de Jésus non pas sous l’angle de « tiens, c’est quoi le sens de la vie ? » C’est « Seigneur, la vie et nos missions sont un peu lourdes. Redonne-nous de l’enthousiasme, augmente en nous notre confiance ». Autrement dit, Jésus s’adresse à vous dans toutes les missions que vous avez comme conjoint, parent, grands-parents, enseignants, professionnels, engagés dans le monde associatif, dans la vie de l’école, dans la vie de la paroisse, dans la vie publique, etc. C’est-à-dire, toutes ces missions que nous recevons au fur et à mesure de notre existence, et qui, parfois, peuvent être quelque peu pesantes. C’est donc à nous, sous cet angle-là que Jésus s’adresse à nous, non pas pour nous décourager, mais pour nous enthousiasmer.

Et de quelle manière ? Tout d’abord, Jésus veut nous aider à faire une première prise de conscience. Dieu, en soi, n’a pas besoin de nous pour réaliser tout ce qu’il a à faire dans ce monde. On pourrait même rajouter que ça lui prend plus de temps, d’énergie, de solliciter notre aide et notre participation. Je pense à une de mes filleules, Faustine, dont c’est aujourd’hui la fête, qui, âgée de 4 ans, dit à sa maman, « c’est moi qui fais la pâte à crêpes ». Vous imaginez le résultat si Faustine avait fait la pâte à crêpes toute seule à 4 ans. Ce qui m’a émerveillé, c’est que sa maman, qui avait effectivement prévu de faire des crêpes pour ce soir-là, a pris le temps de faire les gestes avec son enfant. Toute seule, elle aurait été beaucoup plus vite, elle aurait été plus efficace, mais voilà. Elle a fait le cadeau d’offrir à sa fille de lui rendre service, d’être utile. Et c’est bien cela que Dieu sait. C’est que pour être heureux, nous avons besoin non seulement de nous savoir aimé, mais de nous savoir utile, nécessaire.

Je pense à ce couple dont j’ai célébré il y a quelque temps le dixième anniversaire de mariage. Lorsqu’on a préparé la célébration qu’ils souhaitaient pour cette occasion, il y a eu un échange entre l’homme et la femme en ma présence. Et, à un moment donné, lui a dit à son épouse qui est chef d’entreprise, qui a une tonicité sans pareille, qui pense à tout en permanence. Son mari est plutôt effacé, derrière son épouse, comme était le prince Philippe avec la reine Élisabeth. Et de dire à son épouse : « chéri, je t’aime, tu m’aimes. On est heureux ensemble. Je me pose toujours une question : pourquoi tu n’as jamais besoin de moi ? » Cela a provoqué un choc pour l’épouse qui est appelé à donner de la place à son époux. Nous avons besoin d’être nécessaire. Dieu nous dit : « Si je t’ai confié la mission de parents, la mission d’époux, si je t’ai sollicité pour la vie de la paroisse, la vie de la cité, c’est pour que tu aies la joie de te sentir utile et nécessaire ». Alors chaque fois que nos missions nous pèsent, par exemple de nous lever à 3h du matin pour s’occuper du petit dernier qui pleure… peut-être se redire pour retrouver de l’enthousiasme, on a voulu avoir besoin de moi. Yes. J’y vais.

Et puis la deuxième bonne nouvelle, le deuxième enthousiasme que Jésus veut nous solliciter, c’est « Fais ta part et rien que ta part. » Car si tu pars dans l’idée de porter toute la misère du monde, toutes les préoccupations de l’humanité, tu vas être tellement écrasé, que tu ne seras même plus capable de faire un pas devant l’autre. Fais ce qui t’est demandé, loyalement, avec ce que tu es, mais pas plus. Sinon ce sera pour toi insupportable. C’est peut-être une invitation à, de temps en temps, non pas regarder tout ce qu’il reste à faire, mais se réjouir déjà de ce qui a été fait. Et d’accepter de ne pas tout porter. C’est ça la manière dont Jésus voulait redonner l’enthousiasme à ses apôtres qui commençaient à voir que la liste des tâches qui leur incombait, allait devenir monstrueusement longue. Jésus dit « Non. Réjouissez-vous. On a besoin de vous. Faites votre part. Ne vous inquiétez pas pour le reste. » Il n’empêche que Jésus sait qu’il faut quand même encore lever deux petits obstacles.

Il a posé une question, mais sans donner la réponse. Ça, c’est la balise de Jésus. Va-t-il être reconnaissant envers ce serviteur, d’avoir exécuté ses ordres ? Jésus est sûr qu’intuitivement, on a tous répondu dans notre cœur, ou dans notre tête plutôt, « Non. » Il n’empêche que Jésus n’a pas donné de réponse. Parce que dans les autres pages, il nous a dit « Mais mon Père vous dit toujours merci pour ce que vous faites. » Eh bien, pour avoir de l’enthousiasme dans nos missions, on a besoin de recevoir des « mercis ». D’ailleurs, il y a une expression qui le dit : « tu pourrais au moins me dire merci, je ne suis pas ton chien. »

Voilà. Quand on ne nous dit pas merci, on perd quelque chose de notre humanité, de notre vivacité. C’est peut-être là une invitation à réapprendre à se dire merci. « Merci mon amour d’avoir préparé ce soir le repas. » Rien que ça. Et puis, s’il y a des « mercis » qui vous manquent, vous avez le droit de dire à Jésus « Est-ce que tu pourrais m’envoyer du ciel les mercis que je n’ai pas reçus sur terre aujourd’hui. Et puis, une dernière chose que Jésus sait, c’est que parfois, on est un peu dégonflé. Je n’ai pas dit qu’on était des dégonflés. Ce n’est pas pareil. Mais parfois, on manque un peu de souffle, d’énergie. Alors, par la bouche de sa peau, dans la deuxième lecture, Jésus nous dit « Ravive en toi, réactive en toi le don de l’Esprit Saint que tu as reçu ». L’Esprit Saint, c’est le souffle de Dieu. Ce souffle, un petit peu, cette pompe que Dieu a pour regonfler non pas les roues de nos vélos, et le ballon dégonflé, mais pour redonner de la tonicité du souffle à notre cœur, qui parfois est un peu raplapla.

C’est bon de dire à Dieu, « J’ai besoin que tu redonnes à mon cœur de l’énergie, du souffle à ma vie. » Ce souffle, a dit saint Paul, ça peut être un esprit de force, un souffle de force. Quelquefois, on a besoin d’énergie, un souffle d’amour. Et quelquefois, il faut aller puiser dans une réserve amoureuse pour pouvoir avoir l’envie d’aimer. Et puis de pondération. Ça, c’est pour ceux qui auraient tendance un peu à s’exciter, de dire, « Oh cool, cool, calme, calme, descend. » Il faut réapprendre à fermer les yeux et à dire à Jésus, « Envoie ton souffle dans mon cœur. » Alors que je suis fatigué, que la journée a été épouvantable, que j’ai assez de patience, d’amour et de force pour prendre soin de mon conjoint et de mes enfants. Redonne-moi, Seigneur, ton souffle de force et d’amour. Parce que comme prêtre, tu me demandes de célébrer les funérailles d’un bébé, je ne sais pas quoi dire. On a tant et tant d’occasions. Demander à Dieu de nous donner son souffle pour que nous ayons assez de souffle pour accomplir notre mission. Oui, Seigneur, augmente en nous la foi. Donne-nous, autrement dit, donne-nous de croire qu’il y a en nous tout ce qu’il faut parce que tu nous le donnes pour que nous puissions accomplir les missions qui nous sont confiées. Amen.

Père Frédéric Foucher