En ce temps-là, parlant à la foule, Jésus disait : « Il en est du règne de Dieu comme d’un homme qui jette en terre la semence… ». C’est par ces mots que Jésus introduit ces deux paraboles que nous venons d’entendre. Ce sont de véritables récits tirés du monde rural qui nous dévoilent quelque chose du mystère du Règne de Dieu, de sa présence au cœur du monde, au cœur de nos vies personnelles. Le semeur, c’est le Christ, c’est nous. Ou plus exactement, c’est le Christ qui sème par nous : nous recevons de Lui la semence et nous la transmettons ; ainsi le champ est ensemencé.
La graine qui pousse toute seule… on ne sait comment… La minuscule et insignifiante graine de moutarde, qui devient le plus grand arbre du potager, ravivent notre Espérance, notre Confiance. Oui, l’Evangile de ce dimanche est une formidable Bonne Nouvelle. La première parabole porte sur le dynamisme des semailles. La semence jetée en terre prend racine et se développe seule, que le paysan dorme ou qu’il soit éveillé. « Il a confiance dans la puissance interne de la semence elle-même et dans la fertilité du terrain » dit le pape François. L’homme sème avec la confiance que son travail ne sera pas stérile.
Nous remarquons dans la nature qu’au début, après les semailles, il ne se passe presque rien, et pourtant dans cette petite graine qui commence à éclater, tout est déjà là. Bientôt la graine deviendra un bel épi de blé ou même un grand arbre. Il en est ainsi dans notre vie, comme dans celle de l’Eglise ou du monde. Les petits efforts que nous faisons sur nous-mêmes ou dans l’éducation des enfants semblent souvent dérisoires, et l’annonce de l’Evangile par les chrétiens semble se perdre dans le grand labour des informations et des opinions de toutes sortes.
L’Évangile nous fait comprendre qu’il n’y a pas à s’inquiéter de cela : la parole fait son chemin. Le Royaume secrètement, lève dans les cœurs, prend toutes ses dimensions, et s’étend. C’est la violence paisible de la vie qui vient de Dieu. Autrement dit, nous n’avons pas la maîtrise de la croissance du grain, celle-ci nous dépasse, nous échappe : une fois semé, le grain fait tout seul son chemin de croissance. Voilà qui peut nous libérer de cette inquiétude permanente que nous avons d’avoir peu de résultats et de notre tendance à vouloir mesurer la foi en nous ou chez les autres. Nous nous comportons le plus souvent comme si nous étions seuls à agir, alors que toute notre force vient du Seigneur. Jésus ne nous dit pas « que nous n’avons rien à faire pour le Royaume », Il dit simplement que nous n’avons pas tout à faire, comme saint Ignace de Loyola qui disait à un ami : « Agis comme si tout dépendait de toi en sachant qu’en réalité tout dépend de Dieu ».
La seconde parabole nous parle aussi d’une semence, mais d’une semence toute particulière, la graine de moutarde, considérée comme la plus petite de toutes les graines. Bien que minuscule, elle est pleine de vie. « De sa brisure naît un germe capable de rompre le sol, de sortir à la lumière du soleil et de grandir « jusqu’à devenir la plus grande des plantes potagères » Mc 4, 32.
La faiblesse est la force de la semence. La brisure est sa puissance et le Royaume de Dieu est ainsi : une réalité humainement petite, composée de celui qui est pauvre de cœur, de celui qui ne s’en remet pas à ses pauvres forces, mais à celles de l’amour de Dieu, de celui qui n’est pas important aux yeux du monde ; et pourtant c’est justement à travers lui que la force du Christ fait irruption et transforme ce qui est apparemment insignifiant, nous dit Benoît XVI.
Le message est clair : le Royaume de Dieu, même s’il exige notre collaboration, est avant tout un don du Seigneur, une grâce qui précède l’homme et son action. Notre petite force, apparemment impuissante face aux problèmes du monde, face à nos difficultés personnelles, si elle plonge dans celle de Dieu, dans la force de Dieu, ne craint pas les obstacles, parce qu’elle est certaine que la victoire appartient au Seigneur. C’est le miracle de l’amour de Dieu, qui fait germer et grandir « chaque semence de bien » répandue sur la terre. L’expérience de ce miracle de l’amour de Dieu renouvelle notre Espérance. Malgré les difficultés, les souffrances et le mal que nous rencontrons, la semence germe et grandit, car c’est l’amour de Dieu qui la fait grandir.
Jésus a dit qu’il est venu pour que tous les hommes aient la vie en abondance. Vivre, c’est faire, c’est agir et à certains moments, c’est dormir. Faisons ce que nous devons faire et ne nous lassons jamais de semer des graines d’amour. Mais c’est Toi, Seigneur, qui donnes à la semence de pousser et de donner du fruit. L’essentiel est d’apprendre à patienter, à cheminer sans tout voir. et en n’oubliant jamais que nous sommes plantés sur cette terre par Dieu pour grandir et faire grandir les autres. C’est ce qu’a fait Jésus. Notre vie peut être comme les plus beaux jardins où Dieu a placé la plus belle des semences, son Amour. Nous sommes invités à vivre dès aujourd’hui dans le Royaume de Dieu et à participer à ce qu’il grandisse chaque jour.Car nous sommes plantés par Dieu comme ce petit rameau dont parlait Ézéchiel : parfois nous portons du fruit et nous sommes comme un cèdre magnifique, d’autrefois nous tombons, renversé, arbre sec.
Alors demandons au cours de cette Eucharistie que Dieu nous donne la patience pour persévérer dans la construction d’un monde plus juste, plus solidaire afin que son règne d’amour vienne dans le quotidien de nos vies. AMEN.
Père Jean-Claude DUCLOS