« Revenez à moi de tout votre cœur » nous dit le Seigneur à travers le livre du prophète Joël. En parlant ainsi, le Seigneur met devant nos yeux une réalité que nous connaissons bien, même si nous préférons ne pas la voir. « Oh, oui bien sûr… cependant Dieu est bien notre Dieu. La preuve, nous sommes là aujourd’hui… et être complètement à Dieu, ce n’est pas si simple. Dieu est si bon, qu’il comprend bien !

              En fait, c’est nous qui ne comprenons pas, qui ne comprenons pas qu’être à distance de Dieu, c’est être aussi à distance de notre propre vie. Et nous rapprocher de Dieu, c’est bien nous rapprocher de nous-mêmes et devenir davantage ce à quoi nous sommes appelés : vivants et aimants. Le risque, subtil, c’est de s’accommoder de cette distance.

              Que cela peut-il signifier de « revenir vers le Seigneur, se rapprocher de Dieu ? ». Il s’agit d’abord de regarder notre vie. Notre éloignement de Dieu se cache en bien des attitudes, des comportements, des réactions qui concernent, nous le savons bien, tous les secteurs de notre existence. Nous choisissons, consciemment ou non, de nous passer de Dieu pour vivre. Revenir à Dieu suppose alors une sortie de soi, un changement. Ici Jésus démasque le mensonge de bien des comportements, même religieux. Et quand il évoque l’aumône, la prière et le jeûne, c’est bien l’ensemble de notre existence humaine qui est récapitulée.

                L’aumône, c’est-à-dire le partage, recouvre l’ensemble de notre relation aux autres. Relation fondamentale, car « Dieu, nous ne le voyons pas » et le prochain est donc pour nous sa révélation, son épiphanie. Ce que vous faites au plus petit d’entre vos frères, c’est à moi que vous le faites, nous dit le Christ. Regardons notre relation aux autres, proches ou lointains. De qui allons-nous nous rendre proches durant ces semaines ?

                 Le mot « prière » renvoie à notre relation à Dieu. Comment allons-nous donner un goût nouveau, une intimité plus grande à notre relation à Dieu ? Celle-ci, paradoxalement, vient en second dans la bouche de Jésus qui, plus haut dans ce même évangile, rappelle : « Si tu présentes ton offrande à l’autel et que là tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse ton offrande devant l’autel et va d’abord te réconcilier avec ton frère, et alors tu viendras présenter ton offrande » (Mt 5, 23-24). Pas de prière juste sans le souci du frère. On peut penser que c’est bien la relation à Dieu qui occupe la place centrale puisqu’elle commande à la fois la relation aux autres et la relation à la nature.

                 Par le jeûne, troisième élément, est envisagée toute notre relation à la terre, aux biens qu’elle procure, à la richesse, à la consommation. Dans son message de Carême, le pape François demande de faire des choix « à contre-courant », qui soient « capables de changer la vie quotidienne des personnes et la vie d’un quartier ».  Parmi les changements à envisager, il cite notamment « les habitudes de consommation, le soin de la création, l’inclusion de celui qui n’est pas visible ou de celui qui est méprisé ».

                   Le Carême, ces quarante jours qui représentent toute la vie humaine, ne fait que redire la mission de notre propre création : nous faire à l’image de Dieu à la lumière de ce qu’a vécu le Christ Lui-même, Lui qui a choisi librement de se mettre dans l’attitude du serviteur de la vie. Cela passe, pour chacun et chacune de nous, par une démarche de clarification pour vérifier ce qui est vrai dans notre vie et ce qui est faux. Qu’est-ce qui, dans nos vies, a besoin d’être regardé, ajusté, débarrassé du superflu, réorienté ? Il s’agit en effet de nous libérer du désir d’être au centre, peut-être de ce qui nous inquiète et nous accapare, pour nous tourner résolument vers Dieu et vers les autres.

                  Puissions-nous en ce début de Carême repérer et décider ce qui nous aidera davantage, d’une manière simple et réelle, à nous laisser réconcilier avec Dieu, avec nos frères et sœurs, et avec la nature puisque ensemble nous marchons vers la victoire de Pâques. AMEN.

Père Jean-Claude DUCLOS