Frères et sœurs en Christ, voici une parabole bien familière. Nous connaissons par cœur ce chemin qui descend de Jérusalem à Jéricho, avec ses brigands, ses prêtres, et son bon Samaritain en voyage. L’évangile selon saint Luc nous rapporte la démarche d’un docteur de la Loi venu poser cette question à Jésus : « Maître, que dois-je faire pour avoir la vie éternelle ? » Dans cette question, le docteur de la Loi ne met pas en cause l’existence de cette vie éternelle : pour lui, elle existe. Ce qu’il cherche, c’est une réponse au « comment faire » pour l’obtenir.

              Le lecteur qui lit aujourd’hui ce passage de l’évangile est en attente. Jésus, que va-t-il répondre ? Va-t-il me donner la solution, celle qui répondra à ma propre question, à moi lecteur d’aujourd’hui ? Au lieu de répondre par une affirmation du type « y’a qu’à », « faut que », Jésus répond par une question : « dans la Loi, qu’y a-t-il d’écrit ? », comme pour dire au docteur que la réponse, il la connaît déjà, s’il a lu le Livre de Loi de Moïse.  Il ne tombe pas dans l’écueil de la réponse toute faite, valable pour tout homme de tous les temps.

              Dans  notre prière, nous pouvons rêver que Dieu choisisse pour nous : « Seigneur, dis-moi quoi faire, je suis perdu ». Nous sommes alors renvoyés à l’Ecriture non pas pour trouver ce qu’il faut faire, mais ce que nous sommes invités à être. Et si  la Bible, l’Évangile, ne me donne pas la « réponse », elle m’invite à aller plus loin, elle me questionne, me déplace. C’est l’expérience du docteur de la Loi qui est passé de « que faut-il faire ? » à « qui est mon prochain ? ». Jésus renvoie chacun à sa propre connaissance de la Parole de Dieu, à sa propre expérience.

              Au lieu de tomber dans ce qui pourrait être un piège, et de donner une définition du « prochain », Jésus raconte une histoire où il campe un petit drame, avec acteurs et situation, une scène qui parle au cœur comme à l’intelligence, qui sollicite l’imagination et surtout qui oblige à inventer la réponse. Au lieu de clore, comme une définition, la parabole va ouvrir. Elle ensemence, elle nourrit la réflexion. Elle invite à trouver soi-même ce qu’elle contient, mais ne dit pas… Si bien qu’à la fin de la parabole, Jésus interroge à son tour le Docteur, il n’attend pas de lui une réponse verbale, classique. Il le contraint à choisir : « A ton avis, lequel des trois s’est fait le prochain de l’homme ? ». Et Jésus conclut, en poussant le docteur de la Loi dans la rue : « Va et fais de même! ».

              Chacun, chacune porte en soi quelques unes de ces questions graves qui ne sont ni tout à fait innocentes, ni simplement un piège, et auxquelles aucun Catéchisme ne répond jamais. Il nous faut les aborder avec le respect et l’efficacité de la parabole. Jésus n’a pas peur des gens ni de leurs questions, c’est qu’il les respecte et les rejoint dans leur recherche. Son but n’est pas de couper la parole et de donner la réponse, mais de donner la parole, de donner les éléments d’un choix qui change une existence.

              Et non seulement Jésus utilise la parabole dont l’impact est considérable, car elle se grave dans le cœur, mais on peut dire que « toute sa vie est parabole ». Il est par tout lui-même la parabole du Père. A la grande question des hommes qui interrogent Dieu pour savoir « Qui Il est, et si Il est ». Le Père répond par l’histoire d’un homme qui vit et qui meurt, et non par une théorie sur la vie et sur la mort. Le Père répond par la grande et belle parabole d’un pauvre qui est habité par l’Amour ; Il est innocent, il est libre, il parle et on le tue. Il donne sa vie, manifestant par là, à qui veut l’entendre, que Dieu est Don, qu’il est Amour. Que Dieu est plutôt semblable au pauvre de la parabole et que, comme tous les pauvres, il crie : « J’existe ! ».- « Ne passez pas sans me voir ! – Ne passez pas de l’autre côté de la route ! J’existe encore ! ». 

              Et voilà que ce pauvre a outrepassé la mort et remporté la vie, devenant, au terme, semblable au Père comme il l’était au commencement, mais nous ne le savions pas. Et il entraîne à sa suite tous ceux qui, ayant posé la question et entendu la parabole, acceptent le commandement : ‘Va et fais de même ! ». Dieu nous parle encore à travers la Bible, sans nous donner des recettes, mais en nous aidant à mettre nos pas dans ceux du Christ, pour notre plus grand bonheur. AMEN

Père Jean-Claude DUCLOS