En ce dimanche de la santé, frères et sœurs bien aimés de Dieu, l’Evangile nous présente : « Un lépreux vient trouver Jésus ». Rencontre inattendue entre cet homme dont le corps part en lambeaux, à moitié mort, marginalisé, condamné à errer, regardé comme un impur, nous dit le livre des Lévites (notre première lecture) et Jésus, l’envoyé de Dieu le Père, le Saint de Dieu qui porte la Vie en Lui.
Le lépreux s’invite auprès de Jésus. En principe, il lui est interdit d’approcher les autres pour ne pas les contaminer, pour ne pas risquer non plus les coups ou pire encore. Il a de l’audace, une grande confiance et plein d’humilité : « tombant à ses genoux, il supplia Jésus ». Quand on s’approche de Jésus avec un tel désir profond et intense du fond de notre cœur, une telle humilité et une telle foi, Jésus ne se détourne pas, il s’arrête, il nous écoute et il nous répond. Si nous désirons une guérison quelle qu’elle soit, n’hésitons pas à nous approcher de Lui.
Nos frères et sœurs malades s’approchent aussi de nous, nous interpellent, nous invitent à la rencontre, nous demandent de l’attention, du respect, de l’écoute. Même clouées sur leurs lits, même enfermées dans leur tête et leurs souvenirs d’enfance, ces personnes viennent vers nous et nous invitent à la rencontre, une rencontre vraie, sans peur.
Si l’approche de cet homme lépreux est surprenante, le geste de Jésus l’est encore plus : « Jésus étendit la main, le toucha… » Geste insensé, geste fou, mais surtout geste d’amour ! Jésus n’aurait pas eu besoin de toucher le lépreux : sa parole aurait suffit à le guérir. Jésus veut aller plus loin, non pour choquer ou provoquer, mais pour rétablir cet homme dans toute sa dignité en établissant un contact physique avec lui.
Vous, les personnes bénévoles aux Charmilles, vous qui accompagnez les personnes malades, vous savez l’importance du toucher et du regard. Le contact physique, surtout sur un corps souffrant, diminué, affaibli, est un geste de grande tendresse, de reconnaissance, bien plus encore, de communion intime. Toute notre vie, nous nous exprimons avec notre corps, par le toucher, par le contact. Mon corps constitue ma personne et la foi a toujours vu le corps, non comme une enveloppe passagère, mais une création de Dieu appelée aussi à la transformation par la résurrection.
Ce n’est pas non plus un hasard si Jésus a voulu demeurer parmi nous dans ce que nous appelons l’Eucharistie, ce Pain de Vie qui est son corps glorieux. Ainsi, il établit un contact physique, un contact naturel et vital : celui de la nourriture. Jésus continue de nous toucher, et par là même, de nous guérir en profondeur.
Aujourd’hui, frères et sœurs, la maladie comme la mort font peur et, par réflexe ou par ignorance, nous avons tendance à fuir devant l’une et l’autre. Nous ne savons pas comment nous comporter devant une personne malade ; nous craignons d’être maladroit, nous cherchons quoi dire… Et pourtant un simple regard, un sourire, une main posée aident à faire ce pas avec et pour l’autre.
L’attitude de Jésus, surtout envers cet homme lépreux, renverse le cours normal des choses. Par ce contact physique, ce n’est pas Jésus qui, à son tour, devient malade, mais la personne touchée qui est purifiée, guérie intérieurement. L’amour de Jésus, sa solidarité avec l’homme, sa présence aimante change tout. Au contact de Jésus, c’est Lui qui nous transforme, qui nous sanctifie, qui nous guérit. C’est là encore le mystère de l’Eucharistie.
Ainsi en est-il de nos rencontres, même de celles qui nous paraissent à priori, comme les plus pénibles, les plus lourdes moralement. Si l’amour nous précède, si l’amour est au cœur de la rencontre, de l’échange, alors le miracle s’accomplit. Pas celui que nous pouvions espérer secrètement, mais celui qui fait que l’autre devient mon prochain, que l’autre, quel qu’il soit, est mon prochain. La barrière de la maladie ou du handicap disparaît et ne demeure que la rencontre de deux êtres humains profondément unis. Quand Jésus est venu nous visiter, il l’a fait en devenant l’un de nous, en épousant la nature humaine. Jésus se met à notre niveau, à notre hauteur et c’est bien ainsi que nous sommes envoyés vers nos frères et sœurs malades et souffrants. Quel plus beau cadeau puis-je leur offrir sinon ma présence, mon écoute, mon soutien, ma personne ?
Aujourd’hui, frères et sœurs, nous disons « merci » au Seigneur pour tous ceux et celles qui sont au service ou à l’écoute des personnes malades, handicapées ou âgées. « Merci » aussi pour tout ce que ces personnes touchées par la maladie ou le handicap témoignent comme force de vie et de courage à travers leurs épreuves. Pour cette richesse de vie partagée dans la faiblesse des corps et des esprits, nous rendons grâce ! AMEN.
Père Jean-Claude Duclos